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Gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri)


La gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri) est un mammifère herbivore appartenant à la famille des bovidés. Cette gazelle est une espèce emblématique du Maghreb qui évolue dans des milieux variés, allant des forêts clairsemées aux zones semi-arides. Considérée comme une espèce menacée, la gazelle de Cuvier est classée comme "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN.


Gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri)
Gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri)
© Klaus Rudloff - Biolib
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DESCRIPTION

La gazelle de Cuvier possède une morphologie adaptée à son environnement montagneux et forestier. De taille moyenne, elle mesure entre 95 et 105 cm de long, avec une hauteur au garrot d’environ 60 à 80 cm. Son poids varie de 15 à 35 kg, les mâles étant généralement plus grands et plus robustes que les femelles.

Son pelage est caractéristique : brun-roux sur le dos, plus clair sur les flancs et blanc sur le ventre. Une ligne sombre sépare les parties claires et foncées du corps, ce qui lui confère un camouflage efficace dans son habitat naturel. Ses pattes sont fines mais puissantes, idéales pour les terrains accidentés où elle évolue.

Les cornes de la gazelle de Cuvier sont présentes chez les deux sexes, mais elles sont plus longues et plus épaisses chez les mâles. Elles sont légèrement recourbées vers l’arrière et peuvent atteindre jusqu’à 30 cm. Ces cornes sont utilisées dans les combats entre mâles pour l’accès aux femelles en période de rut.

Ses yeux grands et expressifs lui permettent une vision périphérique excellente, un atout majeur pour détecter les prédateurs. Son ouïe fine et son odorat développé sont également des adaptations essentielles à sa survie dans un milieu où les menaces sont nombreuses.


Gazella cuvieri
Gazella cuvieri
Source: Instinct Animal

HABITAT

Endémique des montagnes et collines de l'Atlas et des chaînes voisines du nord-ouest de l'Afrique. La chasse excessive et la dégradation de l'habitat ont considérablement réduit l'ancienne aire de répartition et conduit à des populations fragmentées. Beudels-Jamar et al. (2005) ont cartographié 48 sites occupés par l'espèce en 2005.

Au Maroc, les populations sont très fragmentées, mais des rapports récents indiquent des populations relativement importantes dans l'Anti-Atlas occidental et dans la région d'Aydar au nord-ouest du Sahara.

En Algérie, la répartition est limitée à la partie nord du pays : on ne la trouve plus ni au nord de l'Atlas tellien ni au sud de l'Atlas saharien. L'espèce n'a disparu que récemment de quelques localités, principalement dans le nord. Les populations de l'Atlas tellien occidental, de Batna-Biskra et des Aurès ne sont plus contiguës, et certains groupes de l'Atlas saharien ont récemment disparu. Les informations les plus récentes indiquent que certaines de ces populations sont en croissance. Les populations les plus orientales se trouvent dans les Aurès, les monts Némentcha et les collines près de la frontière tunisienne.

En Tunisie, les effectifs et la répartition ont fortement diminué en raison de la chasse excessive dans les années 1970, mais la population a ensuite commencé à augmenter grâce aux mesures de conservation efficaces mises en oeuvre dans et autour du parc national de Chambi. Cependant, les opérations militaires depuis 2013 ont gravement affecté le parc national de Chambi, le bastion de l'espèce en Tunisie.

La gazelle de Cuvier habite les forêts méditerranéennes semi-arides ouvertes, les maquis et les steppes herbeuses. Dans le nord-ouest du Sahara marocain et algérien, l'espèce est également présente dans les montagnes arides et les hamadas désertiques. Elle a été observée jusqu'à 3 300 m, mais évite les zones à fortes chutes de neige. Dans la région de Tiaret en Algérie, les gazelles de Cuvier peuvent paître dans les champs de céréales.


Gazella cuvieri habitat
     Répartition actuelle de la gazelle de Cuvier
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ALIMENTATION

La gazelle de Cuvier est un herbivore sélectif dont le régime alimentaire varie en fonction des saisons et de la disponibilité des ressources. Son régime se compose principalement de graminées, de feuilles, de jeunes pousses et parfois de fruits et de baies lorsqu’ils sont disponibles.

Cette gazelle est bien adaptée aux environnements arides et peut survivre avec une faible consommation d’eau. Elle tire la majeure partie de son hydratation des plantes qu’elle ingère. Durant les périodes de sécheresse, elle peut parcourir de longues distances à la recherche de nourriture plus nutritive.

Son comportement alimentaire est influencé par les conditions climatiques et la pression exercée par les prédateurs. Elle privilégie souvent les heures les plus fraîches de la journée, à l’aube et au crépuscule, pour se nourrir, évitant ainsi les températures élevées et réduisant son exposition aux menaces.

Dans certaines zones où l’activité humaine perturbe les écosystèmes, la gazelle de Cuvier est contrainte de modifier son régime en consommant des espèces végétales plus résistantes aux conditions difficiles. Cette flexibilité alimentaire lui permet de survivre dans des environnements où d’autres espèces plus spécialisées disparaîtraient.


Gazelle de Cuvier zoo San Diego
Gazelle de Cuvier au zoo de San Diego, USA
© Eileenmak - Wikimedia Commons
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REPRODUCTION

La reproduction de la gazelle de Cuvier est conditionnée par des facteurs environnementaux et sociaux. La période de rut a lieu généralement en automne et en hiver, lorsque les conditions climatiques sont plus favorables et que la disponibilité des ressources alimentaires est optimale.

Les mâles établissent des territoires qu’ils marquent avec leurs glandes préorbitales et leur urine afin d’attirer les femelles et de repousser les concurrents. Les combats entre mâles sont fréquents durant cette période et impliquent des affrontements avec les cornes. Ces duels sont généralement ritualisés et rarement mortels, bien que des blessures puissent survenir.

Après la fécondation, la gestation dure environ six mois. La femelle donne naissance à un unique petit, bien que dans de rares cas, des jumeaux puissent être observés. Le nouveau-né naît avec un pelage clair et tacheté, ce qui lui permet de mieux se camoufler. Pendant les premiers jours, la mère cache son petit dans la végétation et ne le rejoint que pour l’allaiter afin de limiter le risque de prédation.

Le sevrage intervient vers l’âge de trois à quatre mois, bien que le jeune continue à rester auprès de sa mère pendant plusieurs mois supplémentaires. La maturité sexuelle est atteinte entre un an et demi et deux ans, bien que les jeunes mâles doivent souvent attendre plusieurs saisons avant d’avoir accès à la reproduction en raison de la domination des adultes établis.

L’espérance de vie de la gazelle de Cuvier varie selon qu’elle vive à l’état sauvage ou en captivité. À l’état sauvage, elle vit généralement entre 10 et 12 ans. La prédation, les maladies, la disponibilité des ressources alimentaires et les conditions climatiques influencent fortement sa longévité. Les jeunes gazelles sont particulièrement vulnérables à la prédation, ce qui réduit leur taux de survie. En captivité, dans des réserves naturelles ou des parcs zoologiques, elle peut atteindre 15 à 18 ans, grâce à l’absence de menaces, à un suivi vétérinaire régulier et à une alimentation contrôlée.


Gazelle de Cuvier femelle
Gazelle de Cuvier femelle et son petit
Source; Algérie Presse Service

COMPORTEMENT

La gazelle de Cuvier est une espèce plutôt discrète et méfiante, ce qui est une adaptation logique face aux nombreuses menaces qui pèsent sur elle. Son comportement varie en fonction des saisons, des ressources disponibles et de la pression exercée par les prédateurs ou l’activité humaine.

Elle est généralement grégaire et vit en petits groupes familiaux composés d’un mâle dominant, de plusieurs femelles et de leurs jeunes. Toutefois, certains individus peuvent être solitaires, notamment les mâles en dehors de la saison de reproduction. Les jeunes mâles forment parfois des groupes distincts avant de tenter d’intégrer ou de créer leur propre harem.

La communication entre individus repose sur un ensemble de signaux visuels, sonores et olfactifs. Les mouvements de la queue, les postures et les marquages olfactifs jouent un rôle clé dans la coordination du groupe et la signalisation du danger. Lorsqu’une menace est détectée, la gazelle de Cuvier adopte une posture de vigilance, figeant son corps et pointant ses oreilles vers la source du danger avant de s’enfuir en bonds rapides et gracieux. Sa capacité à courir à grande vitesse et à effectuer des bonds spectaculaires lui permet d’échapper à de nombreux ennemis. Sa stratégie de fuite repose sur des zigzags imprévisibles qui compliquent la tâche des chasseurs, qu’ils soient naturels ou humains.

Le territoire des gazelles de Cuvier peut varier en fonction de la densité de population et des ressources disponibles. Elles marquent leur territoire à l’aide de leurs glandes préorbitales et d’excréments stratégiquement déposés, ce qui permet d’éviter les conflits directs en signalant leur présence aux autres individus.


Gazelle de cuvier oasis wildlife park
Gazelle de Cuvier au Oasis Wildlife Park, îles Canaries
© Klaus Rudloff - BioLib
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PRÉDATION

La gazelle de Cuvier évolue dans un environnement où elle doit constamment faire face à des menaces naturelles et anthropiques. Ses principaux prédateurs sont les carnivores du Maghreb, mais l’homme reste la menace la plus redoutable pour cette espèce en danger.

* Léopard (Panthera pardus) : Le léopard est le plus grand prédateur naturel de la gazelle de Cuvier. Présent dans certaines régions montagneuses du Maghreb, il est un chasseur opportuniste et furtif, capable d’attaquer une gazelle adulte grâce à sa force et sa discrétion. Contrairement aux autres prédateurs qui traquent en groupe ou pourchassent leurs proies sur de longues distances, le léopard mise sur l’embuscade et la surprise pour capturer ses victimes. Cependant, en raison du déclin des populations de léopards dans le Maghreb, cet animal constitue aujourd’hui une menace bien moindre pour la gazelle de Cuvier que par le passé.

* Caracal (Caracal caracal) : Le caracal est un félin de taille moyenne qui représente un danger particulier pour les jeunes gazelles. Il chasse principalement de nuit et s’attaque aux faons laissés cachés par leur mère. Sa technique de chasse repose sur sa capacité à bondir avec une grande précision pour attraper ses proies, même si les adultes sont généralement hors de sa portée.

* Chacal doré (Canis aureus) : Le chacal doré est un prédateur plus opportuniste qui s’attaque principalement aux jeunes gazelles et aux individus affaiblis. Contrairement au léopard et au caracal, il chasse souvent en couple ou en petits groupes, ce qui lui permet d’augmenter ses chances de succès face à des proies plus rapides. Il exploite également les carcasses laissées par d’autres prédateurs ou celles d’animaux morts de causes naturelles.

* Renard roux (Vulpes vulpes) : Le renard roux s’attaque rarement aux gazelles adultes, mais il peut constituer une menace pour les faons et les nouveau-nés. Ce canidé opportuniste profite de toute occasion pour se nourrir.

* Aigle royal (Aquila chrysaetos) : L’aigle royal est un rapace puissant qui peut représenter un danger pour les jeunes gazelles. Grâce à sa vue perçante et sa force, il est capable de capturer un faon en plein jour. Il attaque souvent en piqué à une vitesse fulgurante et peut transporter une proie de plusieurs kilogrammes. Toutefois, malgré sa taille imposante, il ne constitue pas une menace pour les adultes.


Gazelle de Cuvier au Maroc
Gazelle de Cuvier photographiée au Maroc
© H. Chavez - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

MENACES

Les principales menaces pesant sur l'espèce sont la chasse excessive et la dégradation de l'habitat, principalement dues à la transformation des forêts en terres cultivées et en pâturages pour le bétail et la production de charbon de bois. La prédation par les chiens, au moins sur les jeunes gazelles, constitue également une menace, et les chiens ont déjoué une tentative de réintroduction de la gazelle de Cuvier dans le parc national de Souss-Massa au Maroc. Les opérations militaires menées par l'armée tunisienne ont entraîné des bombardements et des incendies dans le parc national de Chambi.


CONSERVATION

Avec une population totale estimée entre 1 750 à 2 950 vivant à l'état sauvage, la gazelle de Cuvier est considérée comme une espèce menacée. Elle est inscrite dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN, en Annexe I de la CITES et en Annexe I de la Convention sur les espèces migratrices (CMS).

Les principales zones protégées de l'aire de répartition comprennent le parc national de Djebel Aissa, le parc national de Belezma et la réserve nationale de Mergueb (Algérie) et le parc national de Chambi (Tunisie). Mallon et Kingswood (2001) ont souligné l'importance exceptionnelle du parc national de Chambi, qui abrite la plus grande population de Tunisie et revêt une importance clé pour la recolonisation de l'aire de répartition de la Dorsale. On pense toutefois que cette population a été considérablement réduite ou dispersée. Une population captive, issue d'animaux du Maroc, est maintenue à Almeria, en Espagne. Un projet de réintroduction de l'espèce dans des sites en Tunisie est actuellement prévu.


Gazelle de Cuvier gros plan
Gros plan de la gazelle de Cuvier
Auteur: Gotskills22
CC0 (Domaine public)

TAXONOMIE

La gazelle de Cuvier appartient à la famille des Bovidae, qui regroupe les antilopes, les boeufs, les chèvres et les moutons. Elle fait partie du genre Gazella, qui comprend plusieurs espèces de gazelles réparties en Afrique et en Asie. Le nom scientifique Gazella cuvieri rend hommage au célèbre Georges Cuvier (1769-1832), un naturaliste et paléontologue français qui a largement contribué à la classification des animaux. Son travail sur l’anatomie comparée a permis de mieux comprendre l’évolution des espèces.

La gazelle de Cuvier est une espèce monotypique, ce qui signifie qu’elle n’a pas de sous-espèces reconnues.

Des analyses génétiques ont révélé que la gazelle de Cuvier est l'espèce la plus occidentale d'un groupe de gazelles étroitement apparentées, toutes productrices de jumeaux. Ce groupe comprend également la gazelle de Rhim (Gazella leptoceros), la gazelle des sables d'Arabie (Gazella marica) et la gazelle indienne (Gazella bennettii).

Dans une étude plus récente sur les antilopes d'Afrique du Nord, Silva et al. (2015) ont confirmé que la gazelle de Cuvier et la gazelle de Rhim forment un groupe monophylétique, comme l'avait déjà suggéré Rebholz et Harley (1999). Par ailleurs, Hassanin et al. (2012) ont observé que les distances génétiques entre ces trois taxons étaient très faibles (inférieur à 1,5 %) et ont proposé de reclasser la gazelle de Rhim et la gazelle des sables d'Arabie en tant que ssous-espèces de la gazelle de Cuvier.


Cuvier's gazelle
En anglais, la gazelle de Cuvier est appelée Cuvier's gazelle
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communGazelle de Cuvier
English nameCuvier's gazelle
Español nombreGacela de Cuvier
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleBovidae
Sous-familleAntilopinae
GenreGazella
Nom binominalGazella cuvieri
Décrit parWilliam Ogilby
Date1841



Satut IUCN

Vulnérable (VU)

SOURCES

Algérie Presse Service

Arkive

BioLib

iNaturalist

Instinct Animal

Liste rouge IUCN des espèces menacées

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Ultimate Ungulate

Wikimedia Commons

Zooinstitutes

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Estes, R. D. (1991). The Behavior Guide to African Mammals. University of California Press.

Gillet, H. (1965). Les gazelles du Nord de l'Afrique. Revue de Zoologie Africaine.

Blondel, J., Aronson, J., Bodiou, J.-Y., & Boeuf, G. (2010). The Mediterranean Region: Biological Diversity in Space and Time. Oxford University Press.

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Newby, J. (1980). The Status and Conservation of the Sahelo-Saharan Fauna. Report for IUCN/WWF.

Beudels, R. C., Devillers, P., & Lafontaine, R. M. (2005). Sahelo-Saharan Antelopes. Status and Perspectives. CMS Technical Series No. 11.

Cuzin, F. (2003). Les grands mammifères du Maroc méridional (Haut Atlas, Anti Atlas et Sahara). Thèse de doctorat, Université Montpellier II.