Oryx algazelle (Oryx dammah)
L'oryx algazelle (Oryx dammah) est une antilope saharienne appartenant à la famille des bovidés. Autrefois présente dans toute l'Afrique du Nord, l'espèce a frôlé l'extinction et doit aujourd'hui sa survie grâce aux populations captives qui ont été réintroduites, notamment au Tchad. L'oryx algazelle est également appelé Oryx du Sahara.

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L’oryx algazelle se distingue par sa morphologie robuste et élancée, adaptée aux conditions rigoureuses des déserts et des zones semi-arides. Cette antilope de grande taille mesure entre 1,4 et 2,3 mètres de longueur (tête et corps) et possède une queue relativement courte d’environ 45 à 60 cm. Son garrot atteint une hauteur comprise entre 1 et 1,3 mètre, ce qui lui confère une silhouette élégante et harmonieuse.
L’un des traits les plus caractéristiques de l’oryx algazelle est sa robe d’un blanc éclatant, contrastant avec des marques rousses sur le front, les flancs et les pattes. Cette coloration joue un rôle essentiel dans la thermorégulation : le blanc reflète les rayons du soleil, limitant ainsi l’absorption de chaleur, tandis que les extrémités plus sombres permettent de dissiper la chaleur corporelle. De plus, l’animal possède des glandes sudoripares bien développées qui favorisent l’évaporation de la sueur et permettent de réduire la température corporelle.
L’oryx algazelle est également doté de cornes impressionnantes, présentes chez les deux sexes. Ces cornes, fines, droites et légèrement incurvées vers l’arrière, mesurent entre 75 et 125 cm. Elles sont utilisées aussi bien pour se défendre contre les prédateurs que pour établir une hiérarchie au sein du groupe. Chez les mâles, ces combats rituels se limitent généralement à des affrontements frontaux où les coups sont modérés afin d’éviter des blessures graves.
Les pattes de l’oryx algazelle sont particulièrement adaptées à la marche dans le sable. Elles sont longues et puissantes, dotées de sabots larges qui facilitent la locomotion sur des sols meubles. Cette adaptation est essentielle pour parcourir de longues distances à la recherche de nourriture et d’eau dans des environnements hostiles.
Enfin, l’oryx possède des yeux relativement grands et bien protégés par une ossature orbitale robuste. Sa vision, couplée à un excellent sens de l’ouïe et de l’odorat, lui permet de détecter les menaces à distance et d’anticiper les changements environnementaux, notamment la présence d’eau ou de végétation temporaire.

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L'oryx algazelle, autrefois répandu dans les zones subdésertiques d'Afrique du Nord et du Sahel, a vu son aire de répartition historique s'étendre de l'Égypte au Soudan, en passant par la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cependant, l'espèce a connu un déclin rapide, disparaissant de plusieurs pays d'Afrique du Nord au milieu du XXe siècle et de la plupart des pays du Sahel dans les décennies suivantes, le Tchad étant le dernier bastion où elle a disparu à la fin des années 1980. Des programmes de réintroduction ont permis de rétablir l'oryx algazelle dans des zones protégées au Tchad, en Tunisie et au Sénégal.
L'oryx algazelle habite principalement les steppes subdésertiques et arides, les prairies annuelles, les dépressions interdunaires légèrement boisées et les cours d'eau éphémères végétalisés, pénétrant rarement dans le véritable désert ou la brousse sahélienne dense, contrairement à l'addax et à l'oryx gazelle.

Répartition historique Répartition actuelle
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L’oryx algazelle est un herbivore strict dont l’alimentation est adaptée aux milieux arides où les ressources sont limitées. Son régime alimentaire est principalement composé d’herbes, de plantes herbacées, de feuilles d’arbustes et de divers végétaux capables de survivre dans les conditions désertiques.
L’une des caractéristiques les plus remarquables de cette espèce est sa capacité à extraire l’humidité de son alimentation. L’oryx peut survivre pendant de longues périodes sans boire d’eau en tirant profit de la teneur en eau des plantes qu’il consomme. Il privilégie notamment les plantes succulentes et les tubercules, riches en eau et en nutriments. Lorsque l’eau est disponible, il n’hésite cependant pas à boire, stockant temporairement cette ressource dans son organisme pour mieux résister aux sécheresses.
Son système digestif est particulièrement efficace pour maximiser l’extraction des nutriments à partir de matières végétales pauvres. Son estomac à plusieurs compartiments et son microbiote intestinal favorisent la fermentation des fibres, lui permettant de tirer un maximum d’énergie des végétaux qu’il ingère. De plus, l’oryx a la capacité de ralentir son métabolisme en période de pénurie, réduisant ainsi ses besoins énergétiques.
Pour trouver sa nourriture, l’oryx algazelle est capable de parcourir de vastes distances, utilisant son odorat et sa mémoire pour localiser les rares sources de végétation disponibles. Il peut également adapter son comportement alimentaire en fonction des saisons et de la disponibilité des ressources, montrant ainsi une grande résilience face aux variations climatiques.

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L’oryx algazelle possède un mode de reproduction bien adapté à son environnement, favorisant la survie de l’espèce dans des conditions difficiles. La reproduction est influencée par les saisons et la disponibilité des ressources alimentaires, bien que les oryx puissent se reproduire tout au long de l’année en captivité.
Le rut se caractérise par des affrontements entre mâles cherchant à établir leur dominance. Ces combats, bien que parfois spectaculaires, sont rarement mortels et se traduisent principalement par des démonstrations de force et des coups de cornes modérés. Une fois la hiérarchie établie, le mâle dominant a généralement un accès privilégié aux femelles en chaleur.
La gestation dure environ 8 à 9 mois, après quoi la femelle donne naissance à un seul petit. Le nouveau-né, pesant entre 9 et 15 kg, est capable de se lever et de suivre sa mère en quelques heures seulement, une adaptation cruciale pour éviter les prédateurs. Les femelles isolent souvent leur petit dans un endroit discret pendant les premiers jours, revenant périodiquement pour l’allaiter et le protéger. Le sevrage intervient après environ 3 à 4 mois, mais les jeunes restent souvent avec leur mère pendant plusieurs mois supplémentaires, apprenant à reconnaître les plantes comestibles et à éviter les dangers. La maturité sexuelle est atteinte vers l’âge de 2 à 3 ans.
L’oryx algazelle a une longévité moyenne de 15 à 20 ans en milieu naturel, bien que cette durée soit souvent réduite par les conditions environnementales difficiles et la prédation. En captivité, où il bénéficie de soins vétérinaires et d’une alimentation adéquate, il peut vivre jusqu’à 25 ans.

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L’oryx algazelle est un animal social vivant en petits groupes familiaux ou en troupeaux plus importants pouvant compter plusieurs dizaines d’individus. Ces groupes sont généralement dirigés par un mâle dominant, bien que la structure sociale reste souple et que les membres puissent se disperser en fonction des conditions environnementales.
Les oryx sont principalement diurnes, mais ils adaptent leur activité en fonction de la température ambiante. Lors des journées les plus chaudes, ils se reposent à l’ombre ou restent inactifs, concentrant leurs déplacements et leur alimentation aux heures les plus fraîches, comme tôt le matin ou en fin d’après-midi.
Leur mode de communication repose sur un ensemble de signaux visuels, sonores et olfactifs. Les mâles marquent leur territoire avec des sécrétions glandulaires et des dépôts d’urine, tandis que les postures corporelles et les mouvements de la queue permettent d’exprimer des intentions pacifiques ou agressives.
Face aux prédateurs, les oryx algazelles adoptent des stratégies défensives variées. Ils peuvent fuir à grande vitesse, atteignant jusqu’à 60 km/h sur de courtes distances, ou utiliser leurs cornes acérées pour se défendre en cas de nécessité.

Source: Parc animalier de la Barben
L’oryx algazelle, bien qu’adapté aux milieux arides et capable de se défendre avec ses cornes acérées, n’est pas exempt de menaces de la part des prédateurs. Dans son habitat naturel, plusieurs carnivores opportunistes ont été identifiés comme des prédateurs potentiels, ciblant principalement les jeunes, les individus affaiblis ou isolés.
* Lion : Le lion (Panthera leo) était autrefois l’un des principaux prédateurs de l’oryx algazelle, notamment dans les régions sahéliennes où les deux espèces coexistaient. Capable d’abattre un adulte en pleine force, le lion chasse principalement en groupe, ce qui lui permet de compenser la rapidité et l’endurance de l’oryx. Toutefois, en raison de la disparition progressive des lions du Sahara et du Sahel, leur rôle en tant que prédateurs de l’oryx a diminué.
* Guépard : Le guépard (Acinonyx jubatus) est un autre prédateur redoutable, bien qu’il s’attaque généralement aux jeunes et aux individus affaiblis. Grâce à sa vitesse exceptionnelle, il est capable de rattraper un oryx sur de courtes distances. Cependant, l’oryx étant un coureur endurant, il peut réussir à échapper au guépard en maintenant une vitesse élevée sur une longue distance.
* Lycaon : Le lycaon (Lycaon pictus), bien que plus commun dans les savanes africaines, pouvait autrefois s’aventurer dans les zones semi-arides où l’oryx algazelle évoluait. Ce prédateur chassant en meute tire profit de son endurance et de sa coordination pour fatiguer ses proies avant de les attaquer. Cependant, la raréfaction des lycaons dans les régions sahéliennes a réduit leur impact sur les populations d’oryx.
* Hyènes : La hyène rayée (Hyaena hyaena) et la hyène tachetée (Crocuta crocuta) jouent un rôle important dans l’écosystème désertique en tant que charognards, mais elles peuvent également s’attaquer aux jeunes oryx et aux individus affaiblis. Les hyènes chassent souvent en groupe et utilisent leur puissance musculaire pour maîtriser des proies plus grandes qu’elles. Leur capacité à suivre une proie sur de longues distances leur permet de capturer des oryx exténués par la course.
* Chacal doré : Le chacal doré (Canis aureus) est un prédateur opportuniste qui ne représente une menace que pour les nouveau-nés et les individus malades. Il profite des moments d’inattention des mères pour attaquer les jeunes isolés.
* Loup africain : Les loups africains (Canis lupaster) chassent et charognent les jeunes oryx algazelle en Tunisie, en particulier dans le parc national de Bou Hedma, mais l'étendue et l'impact de la prédation ne sont pas clairs.
* Python de Seba : Le python de Seba (Python sebae), l’un des plus grands serpents d’Afrique, est capable d’attaquer et d’étouffer un jeune oryx avant de l’avaler entier. Toutefois, en raison de la rareté de ce serpent dans les habitats désertiques, les cas d’attaques sur l’oryx algazelle restent exceptionnels.
* Rapaces : Les rapaces comme l'aigle martial (Polemaetus bellicosus) et l'aigle ravisseur (Aquila rapax) s’attaquent aux très jeunes oryx, profitant de leur vulnérabilité durant leurs premières semaines de vie. Ces oiseaux de proie peuvent fondre sur un petit oryx et l’emporter dans leurs serres avec une précision redoutable.

Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
Le déclin de la population sauvage d'oryx algazelle est principalement attribué à la chasse et au braconnage excessifs, à la perte et à la dégradation de l'habitat dues au surpâturage et à la concurrence avec le bétail, exacerbées par le forage de puits et les sécheresses périodiques. L'instabilité civile dans les années 1980 a également eu un impact significatif.
Bien que la réintroduction au Tchad bénéficie de patrouilles et de l'engagement communautaire, le braconnage reste une menace constante dans la région sahélo-saharienne, tout comme l'instabilité politique. En Tunisie, les loups africains prédatent les jeunes oryx. Une mortalité importante a été observée au Tchad en 2018 suite à des pluies exceptionnelles entraînant des maladies. Les effets du changement climatique sont incertains, avec des projections contradictoires sur l'évolution des précipitations dans la région, bien qu'elle devrait rester aride. Une étude indique une augmentation de la végétation au sud du site de réintroduction au Tchad, mais une diminution au nord.

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L'oryx algazelle est actuellement considéré comme une espèce menacée et est inscrit dans la catégorie "En danger" (EN) sur la Liste rouge de l'IUCN, en Annexe I de la CITES ainsi qu'en Annexe I de la CMS (Convention sur la Conservation des Espèces Migratrices).
Des stratégies nationales de restauration de l'oryx algazelle existent en Tunisie et au Maroc, mais le projet le plus ambitieux se déroule au Tchad. Initié au début des années 2000, il a impliqué des études et des ateliers avec des parties prenantes internationales et locales. Le programme de réintroduction, fruit d'une collaboration entre le gouvernement tchadien et l'Agence pour l'environnement d'Abou Dhabi (EAD), est mis en oeuvre par Sahara Conservation. Depuis 2016, plusieurs groupes d'oryx élevés en captivité à Abou Dhabi ont été relâchés dans la nature au sein de la réserve de faune d'Ouadi Rimé-Ouadi Achim, avec des naissances sauvages enregistrées. Un suivi rigoureux est assuré par des gardes forestiers et des outils technologiques. Des études génétiques approfondies ont été menées pour garantir la diversité génétique des animaux relâchés, qui sont également vaccinés et déparasités.
En Tunisie, une stratégie de métapopulation est mise en oeuvre pour gérer les petites populations d'oryx dans plusieurs zones protégées, avec des transferts d'animaux prévus pour améliorer la viabilité génétique et démographique. Au Maroc et au Sénégal, des populations semi-gérées sont maintenues en vue de futures réintroductions. Une étude de faisabilité a également été menée au Niger.
Les populations ex situ d'oryx algazelles sont importantes, avec plus de 3 400 individus enregistrés dans le stud-book international et plusieurs milliers d'autres dans des collections de la péninsule arabique et des ranchs du Texas. La Source Population Alliance (SPA) aux États-Unis, au Canada et en Australie coordonne l'élevage de petites populations pour créer une métapopulation plus vaste. La majorité des oryx en captivité descendent d'un petit nombre de fondateurs originaires du Tchad.

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L’oryx algazelle a été décrit pour la première fois en 1827 par le zoologiste allemand Philipp Jakob Cretzschmar (1786-1845). Il a introduit l’espèce sous le nom scientifique Oryx dammah dans son ouvrage "Atlas zu der Reise im nördlichen Afrika" (Atlas du voyage en Afrique du Nord), qui était basé sur les observations du naturaliste et explorateur Eduard Rüppell. Ce travail, publié dans le cadre des expéditions en Afrique du Nord et au Sahel, visait à inventorier la faune de ces régions encore largement méconnues par la science occidentale. Cretzschmar a choisi le nom spécifique dammah d’après un terme utilisé par les populations locales pour désigner cette antilope.
Au XIXe siècle, les connaissances sur les antilope africaines étaient encore en développement, et plusieurs classifications approximatives ont conduit à des confusions entre différentes espèces du genre Oryx. En raison des similitudes morphologiques entre les espèces d’oryx (cornes longues et droites, adaptations aux milieux arides), certains auteurs ont initialement considéré Oryx dammah comme une sous-espèce d’autres oryx, notamment l’oryx beïsa (Oryx beisa) et l’oryx gazelle (Oryx gazella). Toutefois, les observations détaillées de Cretzschmar et des naturalistes ultérieurs ont confirmé que Oryx dammah possédait des caractéristiques distinctes qui ont permis de le valider comme une espèce à part entière au sein du genre Oryx.
Nom commun | Oryx algazelle |
Autre nom | Oryx du Sahara |
English name | Scimitar oryx Scimitar-horned oryx Sahara oryx |
Español nombre | Orix De Cimitarra |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Ruminantia |
Famille | Bovidae |
Sous-famille | Hippotraginae |
Genre | Oryx |
Nom binominal | Oryx dammah |
Décrit par | Philipp Jakob Cretzschmar |
Date | 1827 |
Satut IUCN | ![]() |
* Oryx beïsaOryx beïsa (Oryx beisa)
* Oryx d'ArabieOryx d'Arabie (Oryx leucoryx)
* Oryx gazelleOryx gazelle (Oryx gazella)
Liens internes
Convention sur la Conservation des Espèces Migratrices (CMS)
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
Liens externes
Bibliographie
Philipp Jakob Cretzschmar (1827). "Atlas zu der Reise im nördlichen Afrika".
Estes, R. D. (1991). The Behavior Guide to African Mammals: Including Hoofed Mammals, Carnivores, Primates. University of California Press.
Kingdon, J. (1997). The Kingdon Field Guide to African Mammals. Academic Press.
Huffman, B. (2019). All the World's Animals: Bovidae. Mammalian Species.
Newby, J. (1984). "The decline of the Scimitar-horned Oryx Oryx dammah in the Sahel." Oryx, 18(4), 210-220.
Wacher, T., et al. (2011). "Reintroducing the Scimitar-horned Oryx: Challenges and progress in Chad." Zoological Society of London Report.
RZSS & Sahara Conservation Fund (2020). Conservation Action Plan for the Scimitar-horned Oryx in Chad.
Lamarque, F. (2004). "Hunting and its impact on Sahelian wildlife populations." FAO Wildlife Review.
Ciofolo, I. (1995). "Adaptations of Oryx dammah to desert life." Mammalian Biology Journal, 60(3), 178-189.