Mouflon des neiges (Ovis nivicola)
Le mouflon des neiges (Ovis nivicola) est un bovidé sauvage qui peuple les vastes étendues montagneuses de l’Extrême-Orient russe, notamment en Sibérie et dans la péninsule du Kamtchatka. Ce mouflon est un proche parent du mouflon de Dall (Ovis dalli) et du mouflon d’Amérique (Ovis canadensis). Adapté aux conditions climatiques rigoureuses, il possède une morphologie robuste qui lui permet de survivre dans des environnements inhospitaliers. Le mouflon des neiges est également appelé Mouflon de Sibérie.

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Le mouflon des neiges est un animal imposant, présentant un dimorphisme sexuel marqué. Les mâles atteignent une taille au garrot de 90 à 110 cm et un poids pouvant aller de 70 à 150 kg, tandis que les femelles sont plus petites, avec un poids avoisinant les 40 à 70 kg. Leur corps est bien adapté aux conditions extrêmes de la toundra sibérienne et des hautes montagnes, où les températures hivernales peuvent descendre bien en dessous de -40 °C.
Son pelage est dense et épais, offrant une isolation thermique efficace contre le froid mordant. Sa coloration varie en fonction des saisons : brun foncé en été et plus clair, tirant vers le gris ou le beige, en hiver. Ce camouflage lui permet de se fondre dans son environnement, minimisant ainsi les risques de prédation.
Les mâles possèdent des cornes massives, qui peuvent atteindre 110 cm de longueur et avoir une courbure typique des mouflons en forme de spirale. Ces cornes sont utilisées dans les combats de dominance et constituent un critère de sélection sexuelle. Elles sont également un indicateur de l’âge du mâle, leur croissance étant continue tout au long de la vie de l’animal. Les femelles ont également des cornes, mais celles-ci sont plus petites et moins recourbées.
Le mouflon des neiges dispose de membres robustes et de sabots adaptés aux terrains rocheux et escarpés. Ses sabots possèdent une structure unique qui lui confère une adhérence exceptionnelle, lui permettant d’évoluer sans difficulté sur des surfaces gelées ou accidentées. Son corps est compact et musclé, assurant une bonne endurance et une agilité certaine lorsqu’il est en fuite face à un prédateur.

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Le mouflon des neiges est présent en Russie, dans les monts Putorana, au centre-nord de la Sibérie et au nord-est de la Sibérie, de la Léna à la Tchoukotka et au Kamtchatka. L'espèce est répartie dans la plupart des régions montagneuses de la Sibérie orientale (Russie). Son aire de répartition principale s'étend de l'est de la Léna jusqu'aux monts Tenkany, sur la péninsule de Tchoukotsk, à l'ouest du détroit de Béring. On le trouve également dans les montagnes volcaniques qui descendent le long de la péninsule du Kamtchatka, et la limite sud de l'espèce semble se situer dans la chaîne de Yablonovoi, au sud de la Léna. De plus, une population totalement isolée, appelée mouflon des neiges de Putoran (Ovis nivicola borealis), est limitée aux monts Putoran au sud de la péninsule de Tamyr (environ 66° à 70°N et 92° à 98°E), à l'est du fleuve Ienisseï, et séparée de la population yakoutienne la plus proche par environ 1 000 km.
Cette espèce se rencontre dans les zones montagneuses rocheuses, au-dessus de 1 700 m d'altitude dans le plateau Poutorana, et au-dessus de 2 000 m d'altitude dans le reste de son aire. Elle est généralement non migratrice, mais fait des mouvements à courte distance selon les saisons.

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Le mouflon des neiges est un herbivore strict dont le régime alimentaire varie en fonction des saisons et des ressources disponibles. Pendant l’été, il consomme une grande variété de plantes herbacées, de graminées, de lichens et de jeunes pousses d’arbustes. Les vallées montagneuses et les prairies alpines lui offrent alors une nourriture riche et abondante qui lui permet de constituer des réserves de graisse essentielles pour affronter l’hiver. Lorsque la saison froide arrive et que la couverture neigeuse devient importante, il adapte son régime en consommant des lichens, des mousses et les brindilles des arbustes persistants. Il gratte la neige avec ses sabots pour atteindre la végétation enfouie, une technique indispensable pour sa survie dans cet environnement extrême.
Dans certaines régions, notamment en haute altitude, les sources de nourriture hivernales peuvent être limitées, obligeant les mouflons à descendre vers des zones moins enneigées. Ils peuvent parcourir de longues distances à la recherche de nourriture, exploitant des vallées abritées et des versants exposés au soleil où la neige fond plus rapidement. Le besoin en eau du mouflon des neiges est satisfait par l’ingestion de végétaux riches en humidité, la neige et les sources d’eau disponibles dans son habitat. Il est capable de supporter de longues périodes sans eau libre, s’adaptant ainsi aux conditions arides des montagnes sibériennes.

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La reproduction du mouflon des neiges suit un cycle saisonnier strict, avec un rut qui débute à la fin de l’automne, généralement entre novembre et décembre. Cette période est marquée par des affrontements spectaculaires entre les mâles pour l’accès aux femelles. Les combats impliquent des charges frontales où les béliers entrechoquent violemment leurs cornes dans des duels impressionnants. Ces confrontations permettent d’établir une hiérarchie sociale, où les mâles dominants obtiennent le privilège de s’accoupler avec plusieurs femelles.
Les femelles, une fois fécondées, connaissent une gestation d’environ 165 à 180 jours, ce qui conduit aux naissances au printemps, entre mai et juin. Cette période coïncide avec l’abondance de nourriture, offrant aux jeunes un environnement plus propice à leur survie. Les naissances se produisent généralement dans des zones escarpées et isolées, réduisant ainsi le risque de prédation. Les agneaux, qui pèsent entre 3 et 5 kg à la naissance, sont capables de se tenir debout et de suivre leur mère en quelques heures seulement. Le lait maternel constitue leur principale source de nutrition durant les premières semaines de vie, bien qu’ils commencent à brouter de la végétation après quelques semaines.
Le sevrage intervient progressivement, et les jeunes deviennent indépendants à l’âge de 4 à 6 mois. Toutefois, ils restent souvent au sein du groupe maternel jusqu’à leur première année. Les femelles atteignent leur maturité sexuelle vers l’âge de deux ans, tandis que les mâles doivent souvent attendre plus longtemps avant de pouvoir se reproduire, en raison de la compétition intense avec les individus plus âgés et expérimentés.
Le mouflon des neiges a une espérance de vie moyenne de 10 à 15 ans à l’état sauvage, bien que certains individus puissent atteindre 18 à 20 ans dans des conditions optimales, avec peu de prédation et un accès suffisant à la nourriture. En captivité, où les menaces naturelles sont absentes, leur longévité peut être légèrement plus élevée. Cependant, les conditions climatiques rigoureuses, la prédation et la chasse limitent souvent leur durée de vie dans la nature.

Source: Zoogalaxy
Le mouflon des neiges est un animal grégaire qui vit en groupes structurés. Les troupeaux sont généralement composés de femelles accompagnées de leurs jeunes, tandis que les mâles adultes forment des groupes séparés en dehors de la période de reproduction. Ces derniers ne rejoignent les troupeaux mixtes qu’au moment du rut, après quoi ils reprennent leur mode de vie solitaire ou en petits groupes. L’organisation sociale des mouflons est basée sur une hiérarchie bien définie, notamment chez les mâles où la dominance est déterminée par la taille et la force des cornes ainsi que par les combats rituels.
Le mouflon des neiges est diurne, passant la majeure partie de la journée à chercher de la nourriture et à se reposer dans des zones dégagées qui lui offrent une bonne visibilité pour repérer d’éventuels prédateurs. Il est particulièrement méfiant et dispose d’un excellent sens de la vue, lui permettant de détecter un danger à plusieurs centaines de mètres.
Face aux menaces, comme le loup de Sibérie ou le carcajou, le mouflon privilégie la fuite en utilisant son agilité pour se réfugier sur des parois abruptes où ses ennemis naturels ont du mal à le suivre. Lorsqu’il est acculé, il peut se montrer agressif, utilisant ses cornes pour se défendre.

Source: Savageworld.ru
Le braconnage tuerait au moins 6 000 mouflons des neiges chaque année, mais il touche principalement les animaux vivant à proximité des habitations humaines. L'impact global de cette chasse sur la population est inconnu. Les individus qui vivent sur la péninsule de Tchoukotka sont également en concurrence avec les rennes (Rangifer tarandus).
Le mouflon des neiges n'est actuellement pas considéré comme une espèce moyennement menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN.
Le mouflon du Kamtchatka (Ovis nivicola nivicola) est inscrit dans la catégorie III sur le Livre rouge. Malgré cela, il a été récemment chassé par des chasseurs de trophées étrangers. Ovis nivicola koriakum est inscrit dans la catégorie II de cette même liste. Les autres sous-espèces sont considérées comme gibier et un nombre limité de licences sont vendues en Yakoutie et au Kamtchatka aux chasseurs étrangers. L'espèce reste néanmoins protégée et se produit dans quelques parcs nationaux à travers son aire de répartition. Les mesures de conservation proposées sont :
1) Mettre en place plusieurs réserves pour la conservation de la sous-espèce vivant dans la région du Yakutia.
2) Entreprendre des recensements pour vérifier les distributions et permettre des estimations exactes de la population totale.
3) La taxonomie des sous-espèces de mouflons des neiges ainsi que leurs distributions respectives nécessite une clarification.

Crédit photo: Y. Yarovenko - Kronotsky Nature Reserve
Le mouflon des neiges appartient au genre Ovis, qui regroupe les ovins sauvages et domestiques. Il est souvent comparé au mouflon de Dall et au mouflon d’Amérique, avec lesquels il partage de nombreuses similitudes morphologiques et comportementales. Les études génétiques ont permis de mieux comprendre les relations évolutives entre les différentes espèces du genre Ovis, confirmant que le mouflon des neiges est un parent proche des mouflons nord-américains. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour affiner la classification et l’origine évolutive de cette espèce.
La classification du mouflon des neiges a évolué au fil du temps, notamment en raison de la diversité des populations réparties sur un vaste territoire. Actuellement, on reconnaît généralement quatre sous-espèces de mouflon des neiges, bien que la classification puisse encore évoluer avec les études génétiques :
- Ovis nivicola borealis (Mouflon des neiges de Tchoukotka) : C’est l’une des sous-espèces les plus petites en termes de taille corporelle. Ses cornes sont également plus fines et légèrement moins recourbées que celles des autres sous-espèces. Son aire de répartition se situe dans la région de Tchoukotka, au nord-est de la Russie. Il habite les zones les plus septentrionales de l’aire de répartition de l'espèce, ce qui en fait l’un des ovins sauvages les plus résistants au froid.
- Ovis nivicola lydekkeri (Mouflon des neiges de Yakoutie) : Taille moyenne comparée aux autres sous-espèces. Moins massif que le mouflon du Kamtchatka, mais possède des cornes bien développées. Adapté aux températures extrêmement froides des montagnes sibériennes. Répandue en Yakoutie, principalement dans les montagnes Verkhoïansk et de la chaîne de Suntar-Khayata.
- Ovis nivicola nivicola (Mouflon des neiges de Kamtchatka) : Il s’agit de la sous-espèce nominale, décrite en premier. C’est généralement le plus grand des mouflons des neiges, avec une stature robuste et de grandes cornes recourbées. Son pelage est épais et adapté aux hivers rigoureux du Kamtchatka. Il est présent dans la péninsule du Kamtchatka, dans l’Extrême-Orient russe.
- Ovis nivicola koryakorum (Mouflon des neiges de Koryak) : Morphologiquement proche de Ovis nivicola nivicola, mais légèrement plus petit. Moins étudié que les autres sous-espèces en raison de son habitat reculé. Pelage particulièrement dense pour résister aux hivers rudes. Se trouve principalement dans la chaîne de Koryak, au nord du Kamtchatka.
La classification des sous-espèces de Ovis nivicola reste sujette à débat parmi les zoologistes. Certaines études génétiques suggèrent que ces sous-espèces pourraient ne pas être aussi distinctes qu’on le pensait, tandis que d’autres indiquent une divergence génétique significative. Il est possible que de futures recherches modifient la taxonomie actuelle en regroupant certaines sous-espèces ou en en identifiant de nouvelles.
Malgré ces différences, toutes les sous-espèces partagent des adaptations spécifiques aux environnements montagneux rigoureux, notamment un pelage épais, une endurance remarquable et une grande capacité à escalader des terrains escarpés pour échapper aux prédateurs.

Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
Nom commun | Mouflon des neiges |
English name | Snow sheep Siberian bighorn sheep |
Español nombre | Oveja de las nieves |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Ruminantia |
Famille | Bovidae |
Sous-famille | Caprinae |
Genre | Ovis |
Nom binominal | Ovis nivicola |
Décrit par | Johann Friedrich von Eschscholtz |
Date | 1829 |
Satut IUCN | ![]() |
* Mouflon d'AmériqueMouflon d'Amérique (Ovis canadensis)
* Mouflon de DallMouflon de Dall (Ovis dalli)
* UrialUrial (Ovis orientalis)
Liens internes
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
Liens externes
Livre rouge de la Fédération de Russie
Bibliographie
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