Le sanglier (Sus scrofa) est un mammifèreomnivore appartenant à la famille des Suidae. La femelle du sanglier se nomme la laie et le petit le marcassin. C'est un animal principalement forestier que l'on trouve un peu partout en Europe et en Eurasie.
Les plus anciens artiodactyles connus vivaient en Amérique du Nord à l’Éocène inférieur, il y a une cinquantaine de millions d’années. Ces Dichobunidae étaient petits et possédaient encore cinq doigts à chaque membre. Ils évoluèrent et se transformèrent pour donner les chameaux, de nombreux ruminants et quelques non-ruminants, les suiformes. La lignée de ceux-ci semble être la première à s’être séparée du tronc commun des artiodactyles ou tertiaire, mais ses représentants ont conservé des traits qui rappellent les Dichobunidae : morphologie du crâne et des membres, denture presque complète et estomac à structure simple. Les premiers restes retrouvés de Sus scrofa, le sanglier européen actuel, datent de cette époque.
Bien qu'assez peu représenté sur les peintures et gravures rupestres, on sait par les archéologues que le sanglier était chassé durant la préhistoire. Il est possible qu'il ait dans les derniers millénaires, alors que se développaient les populations humaines de chasseurs-cueilleurs, profité du recul des grands prédateurs tels que le lion des cavernes, le tigre à dent de sabre et l'ours des cavernes.
En Occident, dans l'Antiquité romaine, germano-gauloise et gallo-romaine, sa chasse semble avoir été particulièrement valorisée. L'animal était considéré comme courageux et fort et se battant jusqu'au bout. Le chasser devient un combat entre le guerrier et le sanglier, un combat singulier où l'homme doit supporter les cris, les coups et l'odeur de la bête. Le vaincre est alors un exploit. Ces qualités sont aussi reconnues chez les Romains comme chez les Germains, qui semblent avoir fait de la chasse au sanglier un rituel initiatique indispensable du guerrier pour devenir libre et adulte. Les Celtes en ont fait un gibier de rois et une chasse symbolique.
DESCRIPTION
Le sanglier est un mammifère de taille moyenne avec une tête allongée et pointue, un cou trapu, des pattes très courtes et un corps massif de forme cylindrique. Le groin, mobile, est tronqué et muni d’un cartilage circulaire à son extrémité. Il est renforcé par un os particulier, le pré-nasal, situé sous l’extrémité des os nasaux du crâne. La mauvaise vue est compensée par un odorat, une ouïe et un goût développés.
Le pelage se compose de très grosses soies noires longues de 10 à 13 cm à l’endroit du garrot et de 16 cm au bout de la queue. Leurs pointes sont rousses et souvent bifides ou même plus divisées. Ces soies dépassent d’une épaisse bourre de poils très serrés. L’ensemble du pelage a une coloration noire, grisâtre ou roussâtre, plus grise en été et plus noire en hiver. Les pattes et le pourtour du boutoir sont noirs. Ce dernier est nu et gris. Les poils des joues sont plus clairs et longs. Une crinière suit la ligne du dos à partir du front et se hérisse en cas de colère.
La mue annuelle a lieu en mai-juin, plus tard chez la laie. Elle débute par la perte de la bourre du ventre et finit par la perte des soies de la crinière. Le sanglier de 6 mois a le poil le plus long, rude et roux et on l’appelle "bête rousse". À un an, il fonce et devient "bête noire", ou "bête de compagnie". L’année suivante, les défenses sortent de la gueule du mâle, alors appelé "ragot". Il quitte la compagnie, puis devient successivement "tiers-an", "quartanier", "vieux sanglier" et "grand vieux sanglier" (au-dessus de 6 ans). Un vieux mâle qui vit seul est dit "solitaire". Un mâle est dit "miré" vers l’âge de 5 ans, quand ses défenses (canines inférieures) se recourbent, ou lorsqu’un grès (canine supérieure) est cassé ou manquant et que la défense correspondante se recourbe jusqu’à pénétrer la peau.
Les signes particuliers du sanglier :
- Le groin, ou boutoir : Le groin cartilagineux est un organe à la sensibilité tactile très développée. L’odorat est également très performant et permet à l’animal de repérer ennemis ou nourriture à plus de 100 m de distance.
- Les pieds : Le sanglier à 4 doigts à chaque pied (les doigts 2, 3, 4 et 5), mais les doigts 2 et 5 sont rudimentaires. Les doigts proprement dits comprennent chacun un métatarsien qui est prolongé de trois phalanges. Sur les empreintes du sanglier (de 6 à 7 cm de large), les gardes, ou doigts 2 et 5 postérieurs, marquent le sol à toutes les allures, quel que soit le terrain. La longueur du pas d’un sanglier adulte est de 30 à 40 cm.
- Les canines : Les canines continuent à pousser pendant toute la vie de l’animal. Le mâle a 4 canines très développées ; celles du bas, ou défenses, qui se recourbent en arrière avec l’âge, sont caractéristiques des suidés. Elles s’aiguisent contre les grés, ou canines supérieures et sont coupantes comme des rasoirs. Le record de longueur pour les défenses serait détenu par un sanglier mâle abattu en Pologne en 1930 (défenses de 30 cm). Les défenses de la laie sont appelées "crochets". Elles restent petites et sont invisibles à gueule fermée. La dentition complète définitive est typique d’un omnivore.
La longueur du corps varie de 90 à 180 cm, la longueur de la queue est d'environ 30 cm, et la hauteur au garrot est de 55 à 110 cm. Le poids moyen du sanglier va de 50 à 350 kg, bien que certaines races domestiques puissent atteindre les 450 kg. Les mâles sont généralement plus grands que les femelles.
HABITAT
Habitant, depuis environ 700 000 ans, les forêts et les régions boisées d’Europe, le sanglier n’a pas changé. Les prodigieuses facultés d’adaptation dont il fait preuve lui ont permis de s’acclimater avec aisance sur tous les continents où l’homme l’a conduit et de devenir le grand mammifère le plus répandu à la surface du globe. Il vit en Europe, en Asie, en Afrique du Nord et dans l'archipel de Malaisie. Sont inclus dans cette aire de répartition naturelle des populations insulaires vivant dans les Îles britanniques, la Corse, la Sardaigne, le Japon, le Sri Lanka, les îles Ryukyu, Taïwan, Hainan, Sumatra, Java et les petites îles des Indes orientales. On le rencontre également dans toutes les contrées où l’homme l’a introduit et où il s’est adapté notamment en Amérique du Nord et de nombreuses îles.
Le sanglier s’adapte à toutes sortes de milieux, forêt, garrigue, maquis, marais ou zones à forte dominante agricole, à condition d’y trouver de l’eau pour s’abreuver et prendre son bain de boue. Demeurant dans son gîte pendant la journée, il sort au coucher du soleil et parcourt son territoire pendant une partie de la nuit. L'habitat typique du sanglier est généralement les forêts humides et les zones arbustives, forêts de chênes en particulier et les zones où les roseaux sont abondants.
ALIMENTATION
Le sanglier est un omnivore qui se nourrit en grande partie de végétaux tout au long de l’année. En Europe, son alimentation est variée : les études ont montré que l’espèce consommait plus de 52 plantes différentes. Au printemps, il a une prédilection pour les tiges (chaumes) et les feuilles de graminées. Les fleurs et graines (diaspores) de céréales cultivées et d’essences forestières seraient primordiales en été et à l’automne. En Europe centrale, glands et faines sont les plus consommés, en saison, mais les sangliers mangent aussi des feuilles de fougère grand aigle (Pteridium aquilinum), des épilobes (Epilobium), de la berce spondyle (Heracleum sphondylium), de l’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria) et de plantain (Plantago).
La consommation d'animaux par le sanglier est loin d’être négligeable. Elle serait d’ailleurs plus importante pour les jeunes sangliers, sans toutefois dépasser 20 % de leur alimentation. Le sanglier peut se nourrir de charognes diverses, de lièvres et de chevreuils blessés par les chasseurs, de rongeurs comme les souris, d’œufs et de petits oiseaux, de lézards, de serpents, de grenouilles, de moules, de sauterelles, de crustacés. Au cours de ses déplacements, il vermille : avec le groin, il fouille, à la recherche de vers ou les parasites des arbres tels que larves de hannetons et de mouches à scie, ou chenilles de papillons. Le sanglier se nourrit aussi d’insectes (notamment des imagos de coléoptères).
REPRODUCTION
Pendant la période du rut, de novembre à janvier, le sanglier mâle adulte recherche activement les femelles réceptives, au point d’en négliger souvent son alimentation. Dès qu’il approche d’une harde, il chasse les "bêtes de compagnie" (les jeunes de l’année précédente) encore dans le groupe. Et, si cela est nécessaire, il livre combat contre ses rivaux pour conquérir des femelles, trois le plus souvent, mais quelques fois jusqu’à huit.
Durant les préliminaires, parfois longs, le sanglier mâle salive, urine, émet des sons amoureux et flaire le groin, les flancs et la région ano-génitale de la laie en lui donnant de légers coups de boutoir sur le ventre. Si elle s’éloigne, il la poursuit puis pose son groin sur son dos. Si la femelle refuse l’accouplement et s’arrête pour uriner, il flaire son urine, dont l’odeur le renseigne sur l’état sexuel de celle-ci. L’accouplement, qui peut durer assez longtemps et se renouveler plusieurs fois, a lieu lorsque la laie s’immobilise et prend posture rigide, reins cambrés. Lorsqu’il a couvert toutes ses conquêtes, le mâle les abandonne et retourne à sa vie solitaire.
La gestation est en général de 3 mois, 3 semaines et 3 jours. Peu avant la mise-bas – celles d’un même groupe sont souvent synchrones -, chaque femelle gestante s’isole à l’abri d’un arbre ou d’un buisson épais et prépare un nid en forme de chaudron, parfois tapissé de végétaux. Une jeune laie met bas 3 marcassins. Une laie plus âgée et plus lourde a, en moyenne, 6 petits presque glabres et fragiles. Elle ne les lèche pas et ne mange la délivre, mais elle les flaire fréquemment. Pour allaiter, elle se couche sur le côté et les appelle avec un grognement bas et continu : chaque marcassin s’approprie une mamelle, qu’il stimule par des massages afin de faire monter le lait. La tétée, toutes les 55 minutes environ, dure 400 secondes (six minutes quarante) la première semaine et moitié moins la deuxième semaine.
Les groupes matriarcaux se reforment d'une à cinq semaines après les mises-bas. C’est alors une période très importante pour la socialisation des jeunes. Les jeunes mâles de l’année s’éloignent entre la fin de décembre et la fin de février, et gravitent quelque temps en périphérie du groupe. Les jeunes femelles ne quittent la harde qu’à la fin d’avril.
LONGÉVITÉ
Le sanglier est animal vivant habituellement 10 ans. Certains spécimens ont néanmoins pu atteindre 27 ans d'âge mais ce sont des cas rares car ces animaux succombent bien avant à cause de la chasse. La mortalité chez les jeunes est élevée.
COMPORTEMENT
Très sociables, les sangliers se déplacent par groupes matriarcaux de deux à cinq animaux, constitués des laies et de leur progéniture. La femelle dominante est la plus âgée et la plus massive. Les jeunes mâles de un à deux ans vivent en périphérie du groupe. Hormis en période de rut, les mâles de plus de deux ans sont plutôt solitaires.
Dès que l’occasion se présente, les sangliers profitent des trous d’eau et des flaques pour se rouler dans la boue. Ces souilles, parfois utilisées par plusieurs d’entre eux à la fois, sont ainsi des lieux de rencontre privilégiés. Lorsque enfin, l’animal décide que son bain a assez duré, il va se frotter sur les arbres avoisinants, marquant aussi les troncs à coups de canines, ceux des conifères de préférence. Souffles, grognements, cris, ébrouements ou crissements de dents accompagnent les activités du sanglier. Parmi les sons les plus fréquents, un long soufflement est signal d’inquiétude ou d’alarme, un long grognement bas traduit la méfiance, un grognement sourd annonce la fuite.
Marchant presque toujours au pas alterné ou au trot, le sanglier parcourt de deux à quatorze kilomètres par nuit. En forêt, il utilise toujours les mêmes passages, créant des coulées. Les gîtes, ou bauges, où il passe la journée sont établis à même le sol (bauges de plain-pied) ou légèrement creusés avec le boutoir et les pattes antérieures. En règle générale, ils diffèrent d’un jour à l’autre, sauf pour les laies ou proches du terme, qui sont plus sédentaires.
Selon les travaux des Français Douaud, Mauget et Spitz, un sanglier sillonne en moyenne en 24 heures un domaine vital de 50 à 75 hectares. Le domaine vital mensuel et annuel d’un mâle, plus important que celui d’une femelle, varie de 300 à 15 000 hectares. Les sangliers d’un même groupe matriarcal exploitent le même domaine vital saisonnier. D’un groupe à l’autre, les domaines peuvent se recouvrir, mais alors, ils ne sont pas utilisés simultanément.
Les mâles cherchent plutôt à s’éviter, sauf en période de rut. Alors, ils s’affrontent violemment. S’élançant l’un contre l’autre, ils se frappent de la tête et tentent mutuellement de se renverser en se servant de leurs canines acérées comme armes. Avant le rut, une véritable armure protectrice se forme sur les épaules, l’échine et les flancs. Souvent renforcée par une couche de résine que le sanglier acquiert en se frottant aux troncs des conifères, cette masse de tissu conjonctif, recouverte par une peau pouvant atteindre 6 cm d’épaisseur, ne plie pas et, lorsque l’animal marche, elle fait un mouvement de va-et-vient au-dessus des muscles.
PRÉDATION
Le principal prédateur du sanglier adulte est l'homme. Les sangliers matures peuvent aussi être la proie de grands prédateurs, tels que les ours, les félins et les crocodiles. Les marcassins peuvent être la proie de grands serpents, de rapaces, de chats, de loups et d'autres grands prédateurs. Le sanglier est extrêmement agressif et audacieux lorsqu'il est menacé. Les principaux prédateurs connus du sanglier sont :
En général, le sanglier n'est pas une espèce menacée. Les populations de sangliers ont été exterminées par la chasse d'une grande partie de leur aire de répartition naturelle, y compris les Îles Britannique, la Scandinavie, et l'Égypte. Les programmes de réintroduction en Scandinavie semblent avoir été couronnés de succès. L'une des espèces de sangliers vivant dans les îles Ryukyu, Sus scorfa riukiuanus, est considérée comme vulnérable en raison de la chasse excessive. Cette espèce est endémique de ces îles, et non pas une population introduite.
SOUS-ESPÈCES
L'Integrated Taxonomic Information System (ITIS) ne reconnaît aucune sous-espèce de sanglier. Au contraire Mammal Species of the World (MSW) reconnaît seize sous-espèces. À titre informatif uniquement, voici la liste des sous-espèces de sangliers reconnues par MSW :
- Sus scrofa scrofa
- Sus scrofa algira
- Sus scrofa attila
- Sus scrofa cristatus
- Sus scrofa davidi
- Sus scrofa leucomystax
- Sus scrofa libycus
- Sus scrofa majori
- Sus scrofa meridionalis
- Sus scrofa moupinensis
- Sus scrofa nigripes
- Sus scrofa riukiuanus
- Sus scrofa sibiricus
- Sus scrofa taivanus
- Sus scrofa ussuricus
- Sus scrofa vittatus
RÔLE DANS LES ÉCOSYSTÈMES
Dans les écosystèmes dans lesquels les sangliers sont endémiques, ils contribuent à la diversité des systèmes en perturbant le sol et en dispersant les graines des fruits. Les sangliers, en particulier les jeunes, sont également une source importante de proies pour les grands prédateurs. Dans les écosystèmes dans lequel les sangliers ont été introduits, ils sont extrêmement destructeurs, supplantant les sangliers indigènes et les pécaris, endommageant la végétation, et s'attaquent aux animaux endémiques.
MYTHES ET CROYANCES
Le sanglier a provoqué des sentiments mitigés à travers l'histoire. Il représente la force et le courage mais aussi la connaissance et a un rapport avec l'au-delà. Les Celtes le considéraient comme un animal sacré. Des têtes de sanglier ornaient les armes et sa viande accompagnait les défunts dans leur dernier voyage. Son rôle est à rapprocher de celui du taureau dans les mythologies des origines de l'Europe. Le sanglier était donc l'attribut des druides. Dans l'Europe médiévale le sanglier était représenté par une sculpture populaire dans les églises de pierre. Il était également considéré comme un symbole de fertilité et de chance.
D'autres n'ont pas réagi de manière positive par rapport au sanglier. Certains y voyaient par sa queue frisée une connexion avec diable. Les traditions juives et musulmanes maintiennent un tabou contre la consommation de viande de porc.