La loutre d'Europe est une loutre de taille moyenne mesurant entre 50 et 70 cm de long (queue non comprise) pour un poids de 7 à 10 kg. La longueur de la queue est de 35 à 40 cm. Elle arbore une fourrure de couleur brune, qui est souvent plus pâle sur le dessous.
Excellente nageuse, la loutre d'Europe dispose de jambes courtes, de pattes palmées, d'un corps allongé et souple et d'une queue épaisse. Les adaptations dont elle est dotée pour un mode de vie aquatique comprennent entre autre des pattes palmées, la possibilité de fermer les petites oreilles et le nez lorsqu'elle évolue sous l'eau et d'une très dense et courte fourrure qui emprisonne une couche d'air afin d'isoler l'animal. Beaucoup de poils sensibles appelés vibrisses encadrent le museau permettant à la loutre de localiser ses proies.
HABITAT
La loutre d'Europe a l'une des plus vastes aires de répartition de tous les mammifères paléarctiques. Son aire de répartition couvre des parties de trois continents : l'Europe, l'Asie et l'Afrique. La sous-espèce nominale Lutra lutra lutra a la plus large répartition, présente dans toute l'Europe, la Turquie, l'Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie, la Russie, la Corée du Nord et la Corée du Sud. La reconstitution en cours en Europe comble le vide en Europe centrale, car l'espèce s'étend depuis l'Autriche, la Slovénie, le Danemark, les Pays-Bas, l'Allemagne de l'Est et l'ouest de la France. Après cette expansion, elle est revenue en Suisse en 2016 et dans le nord de l'Italie en 2011. Il existe toujours un vide dans le nord-ouest et le centre de l'Italie, car la population du sud de l'Italie est en expansion mais reste très isolée des autres populations européennes.
Au Proche et au Moyen-Orient, on la rencontre avec des populations isolées en Israël (nord du bassin du Jourdain, vallée de la Hula, vallée de Harod et hauteurs du Golan, probablement éteinte dans la vallée de Zvulun et les zones côtières du Carmel), au Liban (fleuve Litani, vallée de la Bekaa et nord du Liban), en Jordanie (fleuves Jourdain et Yarmuk), et en Syrie (est de la Syrie, entre l'Euphrate, son affluent, le Khabur jusqu'à Abu Kamal à la frontière irakienne), au sud-est de l'Irak. En Iran, on la trouve dans la rivière Jajrood de la province de Téhéran, dans la région de Dorfak et dans la zone humide d'Amirkelayeh de la province de Guilan, ainsi que dans la zone humide d'Anzali. Une sous-espece est signalée en Afrique, au nord du Sahara au Maroc, en Algérie et en Tunisie.
En Asie centrale, deux sous-especes sont présentes en Arménie, au Kazakhstan, en Azerbaïdjan, au Tadjikistan, en Ouzbékistan, en Afghanistan, au Turkménistan, au Kirghizistan et en Mongolie. Elles sont en déclin et deviennent rares en Iran et en Irak. En Chine, des populations reliques subsistent dans des réserves naturelles bien protégées, dans les sources peu peuplées du plateau Qinghai-Tibétain, dans des sites isolés le long des frontières internationales et dans des deltas et des plaines inondables densément peuplés. L'île de Hainan ainsi que celle de Hengqin abritent des populations résiduelles. Trois sous-especes sont réparties dans les systèmes fluviaux himalayens au Pakistan, en Inde, au Népal, au Bhoutan et au Bangladesh.
En Inde, on la trouve également dans le parc national de Satpura, dans le Madhya Pradesh, située dans le centre de l'Inde, ainsi que dans le sud des Ghâts occidentaux et au Sri Lanka. L'Asie du Sud abrite une des sous-especes de loutre d'Europe. Sa présence a été confirmée au Vietnam, au Cambodge, au Laos, en Thaïlande (dans la province d'Uthai Thani dans le sud de la Thaïlande), au Myanmar et au Bangladesh. Elle a atteint les îles de Sumatra et de Bornéo mais n'a pas atteint l'île de Java.
La loutre d'Europe vit dans une grande variété d'habitats aquatiques, notamment dans les lacs de hautes et basses terres, les rivières, les ruisseaux, les marais, les forêts marécageuses et les zones côtières, indépendamment de sa taille, de son origine ou de sa latitude. En Europe, on la trouve dans les eaux saumâtres du niveau de la mer jusqu'à 1 000 m dans les Alpes et au-dessus de 3 500 m dans l'Himalaya ou 4 120 m au Tibet. Dans le sous-continent indien, on la trouve dans les ruisseaux froids des collines et des montagnes. En été (avril-juin), dans l'Himalaya, elle peut monter jusqu'à 3 660 m. Ces mouvements ascendants coïncident probablement avec la migration en amont des poissons pour frayer. Avec l'arrivée de l'hiver, les loutres descendent vers des altitudes plus basses.
ALIMENTATION
La loutre d'Europe est un animal essentiellement piscivore. Son alimentation se compose surtout de poissons tels que les anguilles, les truites, les épinochettes et les épinoches. Par ailleurs, elle consomme assez fréquemment des amphibiens et des écrevisses. Dans des cas plus exceptionnels, la loutre mange également des oiseaux, des rongeurs, des insectes ou encore des baies. Pour survivre, la loutre commune doit manger l'équivalent de 15 % de son poids.
REPRODUCTION
Chez la loutre d'Europe, la reproduction peut se produire tout au long de l'année. L’accouplement a lieu principalement dans l’eau et dure entre 10 et 50 minutes. Après une période de gestation estimée à une durée comprise entre 58 et 60 jours, la mère met au monde dans une tanière une portée de 1 à 3 petits. Ils ne sortiront du nid que 10 semaines plus tard. La mère s'occupe de sa progéniture pendant environ 1 an, pouvant aller jusqu'à 18 mois pour leur apprendre à pêcher. Pour ce faire, la femelle utilise un processus d'apprentissage en libérant des poissons vivants afin que les petits apprennent à les reprendre. La maturité sexuelle est atteinte entre 2 et 3 ans.
COMPORTEMENT
La loutre d'Europe est un animal habituellement solitaire et territorial. Elle marque son territoire avec son urine et ses fèces afin de le délimiter. Ce marquage joue un rôle important dans la communication entre les individus. La taille du territoire de la loutre commune varie de 5 à 15 km² lorsqu'il se situe sur les rives le long d'un cours d'eau ou de 20 à 30 km² en zone de marais. Elle emprunte régulièrement les mêmes passages sur la berge pour se mettre à l'eau. Lorsqu’elle sort de l’eau, elle se roule dans l’herbe pour essuyer sa fourrure.
La loutre d'Europe fait sa tanière entre les racines des arbres le long des berges d'un cours d'eau ou encore dans une cavité rocheuse, un tronc creux, ou encore en utilisant le terrier d'une autre espèce. La tanière comprend souvent une entrée plus ou moins dissimulée au-dessous du niveau d'eau et un conduit d'aération.
MENACES
Les habitats aquatiques des loutres d'Europe sont extrêmement vulnérables aux changements causés par l'homme. La canalisation des rivières, l'élimination de la végétation des berges, la construction de barrages, le drainage des zones humides, les activités d'aquaculture et les impacts anthropiques associés sur les systèmes aquatiques sont tous défavorables aux populations de loutres. En Asie du Sud et du Sud-Est, la diminution des espèces proies due à l'élimination massive et à la surpêche dans les zones humides et les cours d'eau a réduit la population à un seuil insoutenable conduisant à des extinctions locales. Le braconnage est l'une des principales causes de son déclin en Asie du Sud et du Sud-Est, et peut-être aussi en Asie du Nord.
La pollution est la principale menace pour les loutres en Europe occidentale et centrale, les principaux polluants présentant un risque majeur pour les loutres étant les organochlorés dieldrine (HEOD) et DDT/DDE, les polychlorobiphényles (PCB) et le métal lourd, le mercure. Actuellement, les concentrations de produits chimiques perfluorés (PFAS) sont élevées chez les loutres. Les populations côtières sont particulièrement vulnérables aux déversements de pétrole. L’acidification des rivières et des lacs entraîne le déclin de la biomasse de poissons et réduit les ressources alimentaires des loutres. On sait que les mêmes effets résultent de la pollution organique par les engrais à base de nitrate, les eaux usées non traitées ou les lisiers agricoles.
En outre, les principales causes de mortalité dans les pays de l’aire de répartition sont la noyade et les accidents de la route. Les verveux posés pour les anguilles, les écrevisses et les poissons ainsi que les casiers posés pour les crustacés marins attirent fortement les loutres et présentent un risque élevé pour celles qui tentent de pénétrer dans ces pièges.
Une autre menace potentielle est l’étranglement par un filet dérivant transparent en monofilament. Un risque potentiel provient des pièges conçus pour tuer d’autres espèces, en particulier les cages sous-marines construites pour noyer les rats musqués. La chasse illégale reste un problème dans de nombreuses parties de leur aire de répartition. Dans plusieurs pays européens, la pression politique, notamment exercée par les pêcheurs, a conduit à l’octroi de permis pour tuer des loutres. Le commerce illégal à des fins médicinales et pour le marché des animaux de compagnie est en pleine croissance en Asie du Sud-Est.
La faisabilité et l'efficacité de la réintroduction des loutres font actuellement l'objet de discussions. Des loutres ont été réintroduites avec succès pour renforcer les populations en Espagne, en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Cependant, la contribution des populations réintroduites au rétablissement des populations indigènes semble limitée. Un programme européen d'élevage (EEP) pour des populations captives autosuffisantes a été lancé en 1985. Des programmes de surveillance ont été mis en place dans l'Union européenne (28 États membres). Plusieurs programmes de réintroduction ont été lancés en Europe, notamment au Royaume-Uni, en Suède, en Espagne et aux Pays-Bas, qui ont réussi à réintroduire les loutres dans leurs anciens habitats. Des plans d’action ont été élaborés en Italie, en Lettonie, en Irlande, en Tchéquie et en France.
SOUS-ESPÈCES
Selon la classification actuelle, l'ITIS reconnaît douze sous-espèces distinctes de loutre d'Europe :