Le céphalophe de Jentink (Cephalophus jentinki) est un mammifère de la famille des bovidés. Considéré comme l’un des plus grands membres du genre Cephalophus, il se distingue par son apparence unique, son habitat restreint et son comportement discret. Le céphalophe de Jentink est une espèce rare et fascinante d'antilope, endémique des forêts tropicales humides d'Afrique de l'Ouest.
Céphalophe de Jentink (Cephalophus jentinki) Crédit photo: jbnbsn99 - Zoochat
Le céphalophe de Jentink est le plus grand et le plus imposant des céphalophes. Il mesure environ 80 à 100 cm de longueur pour une hauteur au garrot de 80 cm. Les adultes peuvent peser entre 50 et 80 kg, ce qui en fait l'un des plus lourds de son genre. Wilson (2001) soutient que le céphalophe de Jentink est plus grand que le céphalophe à dos jaune (Cephalophus silvicultor), mais la taille des deux espèces est à peu de chose près similaire.
Le pelage se distingue par une combinaison bicolore. Le dos et les flancs sont d’un gris ardoisé, tandis que la partie ventrale et les pattes sont d’un noir profond. Sa tête arbore un contraste saisissant avec des teintes blanchâtres ou gris pâle autour du museau et des yeux.
Les cornes sont courtes, droites et pointues. Elles mesurent généralement entre 8 et 16 cm de long et sont présentes chez les deux sexes. Les yeux sont grands et adaptés à la vision nocturne. Les pattes sont courtes et robustes. Elles lui permettent de se déplacer rapidement dans les sous-bois denses. Ses sabots sont particulièrement adaptés pour une progression silencieuse sur les sols forestiers mous.
L'aire de répartition du céphalophe de Jentink est limitée à la partie occidentale de la forêt de Haute-Guinée, de la Sierra Leone à travers le Libéria jusqu'à la rivière Niouniourou dans l'ouest de la Côte d'Ivoire et dans le sud-est de la Guinée.
En Sierra Leone, il a été observé pour la première fois en 1989 dans la réserve forestière de la zone occidentale, située dans la partie sud de la péninsule de Freetown, à proximité de la capitale, Freetown. Des pièges photographiques ont confirmé sa présence continue dans cette région. Des photos récentes ont également attesté sa présence dans le parc national de Gola, et ce céphalophe a été signalé dans les collines de Mokanji, les montagnes de Loma et les collines de Tingi.
Au Libéria, l'espèce est largement répartie dans l'est du pays, notamment le long des rivières Sehnkwehn et Sinoe, ainsi que dans la plantation de palmiers à huile de Buto. Elle est présente dans le parc national de Sapo et a été signalée dans les forêts nationales de Grebo et Krahn-Bassa. En Côte d'Ivoire, son principal bastion se trouve dans le parc national de Taï, situé au sud-ouest du pays, ainsi que dans les forêts classées adjacentes et environnantes, notamment Haut Dodo, Rapid Grah, Cavally-Gouin et Scio. En Guinée, l'espèce est confinée à l'extrême sud-est, où elle a été observée dans la réserve de biosphère de Ziama, la forêt de Diécké (Bützler 1994) et la réserve naturelle intégrale du mont Nimba.
Le céphalophe de Jentink vit principalement dans les forêts primaires hautes, mais il peut pénétrer dans les forêts secondaires adjacentes, les plantations et les bosquets agricoles. Ses besoins les plus fondamentaux semblent être une diversité d'arbres fruitiers et un abri très dense plutôt qu'un type de forêt spécifique.
Le céphalophe de Jentink est herbivore et pratique un régime alimentaire opportuniste, adapté à son habitat Il consomme une grande variété de fruits tombés, ce qui le lie étroitement aux cycles de fructification des forêts tropicales. Les feuilles tendres et les bourgeons représentent une part importante de son alimentation. Les champignons et l'écorce des arbres sont des éléments qui complètent son régime, surtout en saison sèche. Dans les zones où les fruits sont rares, il peut ajuster son régime pour inclure davantage de feuilles. Ce bovidé recherche activement sa nourriture sur le sol forestier, préférant les zones denses où il se sent en sécurité. Bien qu’il soit actif principalement à l’aube et au crépuscule, il peut aussi se nourrir de nuit.
Le céphalophe de Jentink adopte une stratégie reproductive adaptée à son environnement forestier. La reproduction n’est pas strictement saisonnière, bien qu’elle soit influencée par la disponibilité des ressources alimentaires. Les mâles rivalisent rarement de manière agressive pour les femelles, préférant des interactions discrètes. La période de gestation dure environ 6 à 7 mois. Une seule naissance par portée est la norme, ce qui est courant chez les céphalophes. Les petits naissent avec un pelage plus foncé, souvent brun-noir, et des taches ou rayures qui disparaissent avec l’âge. Le sevrage intervient après 3 à 4 mois, bien que les jeunes restent souvent près de leur mère pendant près d’un an. Les femelles atteignent leur maturité sexuelle à environ 2 ans, tandis que les mâles peuvent se reproduire dès 18 mois.
Le céphalophe de Jentink est un animal extrêmement discret, ce qui rend son observation difficile. Il est principalement solitaire, bien que des couples puissent occasionnellement être observés. Chaque individu ou couple occupe un territoire spécifique, qu’il marque avec des sécrétions glandulaires. Les glandes situées près de ses sabots et de son visage produisent des sécrétions pour marquer son territoire. C’est un animal crépusculaire et nocturne, actif surtout à l’aube et au crépuscule. Ses déplacements sont furtifs et souvent limités à des sentiers forestiers bien définis.
Le céphalophe de Jentink est une proie potentielle pour divers prédateurs naturels présents dans les forêts tropicales de l’Afrique de l’Ouest, son habitat principal. Son comportement discret et sa capacité à se fondre dans son environnement contribuent à limiter les mauvaises rencontres, mais il reste vulnérable face à plusieurs espèces carnivores.
* Léopards : Les léopards chassent de manière opportuniste, se fiant à leur capacité à traquer silencieusement les proies dans les sous-bois. Ils attaquent souvent par surprise grâce à leur discrétion et à leur vitesse explosive sur de courtes distances. Ces félins utilisent le camouflage naturel de leur pelage pour s’approcher à quelques mètres avant de bondir.
* Caracals et servals : Bien que moins communs dans certaines zones, d'autres félins comme les servals ou les caracals peuvent occasionnellement s’attaquer aux jeunes individus ou aux céphalophes plus petits.
* Pythons de Seba : Les grands serpents, comme le python de Seba, constituent une menace importante, surtout pour les jeunes céphalophes. Les pythons africains, bien qu’incapables de chasser activement un adulte en bonne santé, peuvent capturer des céphalophesjuvéniles ou malades en se dissimulant près des points d’eau ou sur des sentiers forestiers. Les interactions sont rares mais possibles dans les zones où les populations de pythons coïncident avec celles des céphalophes.
* Crocodiles : Le crocodile du Nil est une menace potentielle pour le céphalophe de Jentink qui est vulnérable lorsqu’il s’approche des points d’eau pour boire ou se nourrir. Les crocodiles attaquent en embuscade, surgissant de l’eau pour attraper leur proie par les pattes ou le cou. Bien que ce type de prédation soit rare, il constitue une menace ponctuelle, notamment dans les forêts traversées par des cours d’eau.
* Aigles couronnés : L'aigle couronné est capable de fondre sur sa proie depuis la canopée ou en vol plané. Il s’attaque principalement aux jeunes céphalophes, dont la petite taille en fait une cible idéale. Les adultes, grâce à leur taille, sont rarement ciblés par ces oiseaux.
Céphalophe de Jentink au Gladys Porter Zoo Crédit photo: Zebraduiker - Zoochat
MENACES
Les principales menaces pesant sur le céphalophe de Jentink sont la destruction généralisée des forêts et la chasse pour sa viande. L'influence de la chasse sur cette espèce est considérable.
La plupart des forêts naturelles où vivait le céphalophe de Jentink ont aujourd'hui disparu convertie en terre agricole ou pour y construire des habitations. En Sierra Leone, par exemple, il ne subsiste plus que 6 % de la couverture forestière originelle. Les forêts restantes en Côte d'Ivoire et en Sierra Leone sont très fragmentées et restent sous pression, car l'homme continue de les saccager pour les terres agricoles, le bois de construction et le bois de chauffage ainsi que pour ses ressources minérales.
À cette menace s'ajoute également la chasse, car la viande de cet animal est très prisée dans les commerces. En effet, la plupart des espèces de céphalophes sont victimes de la chasse parce qu'ils sont facilement abattus ou capturés, faciles à transporter à pied, tout en ayant assez de viande pour être rentable. Dans de nombreuses régions, les céphalophes sont maintenant la principale composante du commerce des espèces sauvages, et il semble qu'ils soient chassés à des taux insoutenables.
Le céphalophe de Jentink est actuellement considéré comme une espèce fortement menacée. Il est inscrit dans la catégorie "En danger" (EN) sur la Liste rouge de l'IUCN ainsi qu'en Annexe I de la CITES.
Son inscription aux Annexes de la CITES limite le commerce international de cette espèce. Cependant, cela fait vraiment peu pour contrôler la chasse de cette espèce alors que normalement il est interdit de chasser des animaux sauvages dans certaines régions où le céphalophe de Jentink se produit. Contrairement à la Sierra Leone et la Côte d'Ivoire, le Libéria détient toujours certaines grandes zones de forêt, les plus grandes d'entre elles étant dans des parcs nationaux et des réserves forestières. Une protection accrue dans ces régions semble être essentielle à la survie de cette espèce, ainsi que des efforts de communication et d'éducation sur son sort et les méfaits que peuvent avoir sur elle une chasse incontrôlée.
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