Le kri-kri (Capra aegagrus cretica) est une sous-espèce de chèvre sauvage endémique de l'île de Crète et de quelques îlots environnants. Il s'agit d'un animal emblématique qui a joué un rôle important dans la culture crétoise et dont l'origine reste sujette à débat. Aujourd’hui, il est considéré comme vulnérable en raison de la fragmentation de son habitat et de la pression humaine. Le kri-kri est également connu sous le nom de Chèvre sauvage de Crète.
Le kri-kri est une chèvre sauvage de taille moyenne, qui présente des caractéristiques physiques adaptées à son habitat rocheux et escarpé. Le mâle adulte mesure environ 1,2 à 1,4 m de long, avec une hauteur au garrot d’environ 70 à 80 cm. Il pèse en moyenne entre 45 et 90 kg, tandis que la femelle est généralement plus petite et plus légère, atteignant environ 30 à 50 kg.
L’une des caractéristiques les plus remarquables du kri-kri est la forme et la taille de ses cornes. Chez les mâles, elles sont longues, épaisses et recourbées en arrière, atteignant jusqu’à 1 m de longueur. Ces cornes présentent des anneaux de croissance, permettant d’estimer l’âge de l’animal. Les femelles possèdent également des cornes, mais elles sont beaucoup plus courtes et plus fines.
Le pelage du kri-kri varie en fonction des saisons. En été, il est court et de couleur fauve clair, ce qui lui permet de mieux se camoufler dans les roches sèches de Crète. En hiver, le pelage devient plus épais et foncé, avec des nuances brun-grisâtres qui lui offrent une meilleure isolation thermique. Une bande noire caractéristique longe son dos et s’étend jusqu’à la queue, tandis que des marques sombres sont visibles autour du museau et des pattes.
Le kri-kri possède un corps élancé et des membres puissants qui lui confèrent une agilité exceptionnelle. Ses sabots sont spécialement adaptés aux terrains accidentés, avec une structure concave qui lui permet d’adhérer efficacement aux surfaces rocheuses. Cette adaptation est essentielle pour sa survie, car il évolue principalement dans des zones escarpées et difficilement accessibles aux prédateurs.
Le kri-kri est un animal que l'on trouve exclusivement en Crète, en Grèce. Historiquement, son aire de répartition était plus étendue, mais elle est aujourd'hui limitée à quelques zones montagneuses isolées.
On le trouve principalement dans les zones montagneuses, les gorges et les falaises ainsi que dans les zones de végétation méditerranéenne. Plus précisément, on trouve des populations de kri-kri dans les Gorges de Samaria (un des endroits les plus connus pour observer ces chèvres sauvages, les Montagnes Blanches (Lefka Ori) (une chaîne de montagnes importante dans l'ouest de la Crète) ainsi que sur les îles de Theodorou et Agii Pantes (petites îles qui servent de réserves pour la conservation de l'espèce).
ÉCOLOGIE
Le kri-kri est un herbivore strict dont le régime alimentaire se compose principalement de végétaux disponibles dans son environnement aride. Il consomme une grande variété de plantes, notamment des herbes, des feuilles, des buissons et des écorces. L’une des particularités de son alimentation est sa capacité à sélectionner des végétaux riches en nutriments tout en évitant les plantes toxiques. En raison de la sécheresse estivale qui sévit en Crète, le kri-kri est souvent contraint d’adapter son régime alimentaire aux ressources disponibles. Durant cette période, il se nourrit davantage de plantes résistantes à la sécheresse, comme le thym sauvage (Thymus capitatus), les chênes kermès (Quercus coccifera), les genévriers (Juniperus spp.) et diverses espèces de cistes (Cistus spp.). Il peut également brouter des plantes épineuses et grignoter des écorces d’arbres pour compléter son apport en fibres.
La période de reproduction du kri-kri a lieu en automne, généralement entre octobre et novembre. Durant cette période, les mâles deviennent particulièrement agressifs et se livrent à des combats spectaculaires pour établir leur dominance et obtenir l’accès aux femelles. Après l’accouplement, la gestation dure environ cinq à six mois. La femelle donne naissance à un seul chevreau, bien que des cas de naissances gémellaires soient occasionnellement observés. La mise bas a lieu au printemps, lorsque les conditions climatiques sont plus favorables et que la végétation est plus abondante, offrant ainsi une meilleure opportunité de survie aux jeunes. Les nouveau-nés sont capables de se lever et de suivre leur mère quelques heures seulement après la naissance. La mère les allaite pendant plusieurs semaines, bien qu’ils commencent rapidement à consommer des plantes solides. L’allaitement peut durer jusqu’à trois mois, mais les jeunes acquièrent progressivement leur autonomie et rejoignent les petits groupes de leur espèce. La maturité sexuelle est atteinte vers 12 mois pour les mâles et de 10 à 11 mois pour les femelles.
Le kri-kri est une espèce grégaire, vivant en petits groupes familiaux. Les mâles adultes ont tendance à être plus solitaires, rejoignant les groupes de femelles uniquement pendant la saison de reproduction. En dehors de cette période, les mâles forment parfois de petites bandes distinctes, composées de quelques individus. Très agile et méfiant, le kri-kri préfère les zones rocheuses escarpées où il peut se réfugier en cas de danger. Il est principalement actif tôt le matin et en fin d’après-midi, évitant les heures les plus chaudes de la journée. Cette adaptation comportementale lui permet de limiter les risques de déshydratation et de maximiser ses opportunités alimentaires.
Le kri-kri a peu de prédateurs naturels en raison de son habitat montagneux escarpé et de l'absence de grands carnivores en Crète. Cependant, il peut être vulnérable aux attaques de rapaces comme l’aigle royal (Aquila chrysaetos), qui peut s’attaquer aux jeunes individus. Historiquement, des prédateurs comme les loups (Canis lupus) et les lynx communs (Lynx lynx) pouvaient représenter une menace, mais ils ont disparu de Crète depuis des millénaires. Aujourd’hui, les principales menaces pour le kri-kri sont d’origine humaine, notamment la chasse illégale, l’hybridation avec les chèvres domestiques et la perte d’habitat.
Le kri-kri est confronté à plusieurs menaces, dont les principales sont :
* Hybridation avec des chèvres domestiques : C'est la menace la plus importante. L'hybridation dilue le patrimoine génétique unique du kri-kri, menaçant son identité en tant que sous-espèce distincte. Les chèvres domestiques introduites se croisent avec les kri-kri, produisant des hybrides qui ne sont pas "purs".
* Perte et fragmentation de l'habitat : Le développement touristique, l'agriculture et l'urbanisation peuvent fragmenter et réduire l'habitat disponible pour le kri-kri. La construction de routes peut également isoler des populations.
* Braconnage et chasse illégale : Bien que le kri-kri soit protégé, la chasse illégale peut encore représenter une menace, en particulier dans les zones reculées.
* Compétition avec le bétail domestique : La compétition pour les ressources (nourriture et eau) avec les chèvres et les moutons domestiques peut être un problème, en particulier dans les zones où le pâturage est excessif.
* Maladies : Les maladies transmises par le bétail domestique peuvent également affecter les populations de kri-kri.
Kri-kri au parc national de Samaria Source: Parc national de Samaria
CONSERVATION
Le statut de conservation du kri-kri est évalué par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN). Actuellement, le kri-kri est classé comme "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN. Cela signifie que l'espèce fait face à un risque élevé d'extinction à l'état sauvage. Des efforts de conservation sont en cours pour protéger le kri-kri, notamment :
* Surveillance des populations : Le suivi régulier des populations permet de suivre l'évolution de leur nombre et de leur répartition.
* Programmes de reproduction en captivité : Des programmes de reproduction en captivité sont mis en place pour maintenir des populations "pures" de kri-kri et éventuellement les réintroduire dans la nature.
* Contrôle de l'hybridation : Des mesures sont prises pour limiter le croisement entre les kri-kri et les chèvres domestiques, par exemple en encourageant les agriculteurs à utiliser des races de chèvres qui ne se croisent pas facilement avec les kri-kri.
* Protection de l'habitat : La protection et la gestion de l'habitat du kri-kri sont essentielles pour sa survie. Cela peut inclure la création de zones protégées et la mise en œuvre de pratiques de gestion durable des terres.
* Sensibilisation et éducation : Sensibiliser le public à l'importance du kri-kri et aux menaces qui pèsent sur lui est crucial pour assurer son avenir.
Gros plan d'un kri-kri Crédit photo: Alex Kant - Zoochat
TAXONOMIE
Le kri-kri appartient au genre Capra, qui regroupe plusieurs espèces de chèvre sauvage et domestiques. Son statut taxonomique a longtemps été débattu. Initialement, il était considéré comme une espèce distincte (Capra cretica), mais des études génétiques ont montré qu’il s’agit en réalité d’une sous-espèce de la chèvre sauvage anatolienne (Capra aegagrus), l’ancêtre direct de la chèvre domestique (Capra hircus).
Les recherches suggèrent que le kri-kri n’est pas réellement indigène à la Crète mais qu’il aurait été introduit sur l’île il y a plusieurs milliers d’années par les premières populations humaines. Cette hypothèse est renforcée par des analyses paléontologiques qui ne montrent aucune présence de Capra aegagrus en Crète avant la période néolithique.
La désignation du Kri-kri comme sous-espèce (Capra aegagrus cretica) reconnaît son statut unique et son importance en tant que population isolée ayant évolué de manière distincte. Cette classification est cruciale pour les efforts de conservation, car elle met en évidence la nécessité de protéger cette population particulière et son patrimoine génétique.
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