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Cobaye de montagne (Cavia tschudii)


Le cobaye de montagne (Cavia tschudii) est un petit rongeur originaire des Andes, considéré comme l’un des ancêtres sauvages directs du cobaye domestique (Cavia porcellus). Présent dans divers environnements d’altitude, il occupe une place importante dans l’écologie andine et dans l’histoire des relations entre l’homme et les animaux domestiqués. Sa biologie, son comportement et son évolution taxonomique suscitent l’intérêt des chercheurs, car ils permettent de mieux comprendre le processus de domestication et l’adaptation des rongeurs aux milieux montagnards. Espèce discrète et robuste, le cobaye de montagne se distingue par ses habitudes alimentaires et sociales adaptées aux contraintes écologiques des hautes terres. Son étude contribue à éclairer à la fois la diversité du genre Cavia et l’histoire culturelle des Andes.


Cobaye de montagne (Cavia tschudii)
Cobaye de montagne (Cavia tschudii)
© Arthur Gomes - iNaturalist
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

La morphologie du cobaye de montagne est particulièrement adaptée à son environnement de haute altitude. Ce rongeur possède un corps trapu et compact, mesurant généralement entre 20 et 27 centimètres de longueur, avec un poids qui varie de 300 à 600 grammes. Son pelage est dense et épais, offrant une excellente isolation contre le froid intense des Andes. La couleur de sa fourrure est variable, allant du gris-brun au noir, avec souvent des nuances rousses ou cannelle, ce qui lui permet de se camoufler efficacement dans son habitat rocheux et herbeux.

Les cobayes de montagne ont une tête large et de petites oreilles arrondies qui limitent la perte de chaleur. Leurs yeux sont également petits, et leur vision est adaptée à une vie crépusculaire. Un trait distinctif est l'absence de queue visible. Leurs pattes sont courtes mais robustes, équipées de griffes courtes et puissantes qui les aident à grimper sur les rochers et à creuser des terriers.

La morphologie dentaire est celle d'un herbivore strict, avec des incisives qui poussent continuellement pour compenser l'usure causée par la mastication de la végétation fibreuse. Les cobayes de montagne possèdent quatre doigts sur les pattes avant et trois sur les pattes arrière, ce qui est une caractéristique typique des rongeurs de la famille des Caviidae. Cette structure corporelle les rend agiles dans leur environnement escarpé et leur permet d'échapper rapidement aux menaces.


Cavia tschudii
Cavia tschudii
© Arthur Gomes - iNaturalist
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

HABITAT

Le cobaye de montagne est présent au Pérou, dans les hautes terres de Bolivie, dans le nord-ouest de l'Argentine et dans le nord-est du Chili. Son habitat est très variable et on le trouve du niveau de la mer jusqu'à environ 4 500 m d'altitude. Ortiz et Jayat (2012) ont signalé la première observation du cobaye de montagne à Catamarca, en Argentine, étendant ainsi son aire de répartition d'environ 110 km. Il n'est pas présent dans les Yungas du versant oriental des Andes ou dans les basses terres de la Bolivie.

Au Chili, on le trouve dans les habitats désertiques et riverains. Dans le nord de l'Argentine, il vit dans les prairies andines de haute altitude ou les prairies broussailleuses, et utilise les pistes.


Cavia tschudii distribution
     Répartition actuelle du cobaye de montagne
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ALIMENTATION

L'alimentation du cobaye de montagne est strictement herbivore et se compose principalement de la végétation disponible dans son habitat andin. Il consomme une grande variété de plantes, notamment des graminées, des herbes, des feuilles, et occasionnellement des racines et des tubercules. La nature de son régime alimentaire est directement liée à la disponibilité saisonnière des ressources. Pendant la saison humide, il se nourrit de plantes plus fraîches et plus abondantes, tandis que pendant la saison sèche, il doit se contenter de végétation plus ligneuse et moins nutritive. Pour tirer le maximum de nutriments de cette matière végétale fibreuse, le système digestif du cobaye de montagne est hautement spécialisé. Il possède un caecum très développé où se déroule la fermentation microbienne, un processus essentiel pour décomposer la cellulose et extraire les nutriments.

Le cobaye de montagne pratique également la coprophagie, qui consiste à ingérer certaines de ses propres fèces. Ces excréments sont riches en vitamines B et K, ainsi qu'en protéines produites par les bactéries intestinales, ce qui lui permet de recycler et d'absorber des nutriments qui n'ont pas été digérés lors du premier passage. Cette stratégie est cruciale pour sa survie dans des environnements où les ressources sont souvent limitées et de faible qualité nutritive. Les cobayes de montagne recherchent leur nourriture principalement à l'aube et au crépuscule pour éviter les prédateurs diurnes et les températures extrêmes.


Cobaye de montagne gros plan
Gros plan du cobaye de montagne
© Cristhian Apaza Mamani - iNaturalist
CC-BY (Certains droits réservés)

REPRODUCTION

La reproduction chez le cobaye de montagne est influencée par les conditions environnementales et la disponibilité de la nourriture. L'espèce n'a pas de période de reproduction fixe, mais la majorité des naissances ont lieu pendant la saison des pluies, lorsque la nourriture est plus abondante, ce qui augmente les chances de survie des jeunes. La gestation dure environ 60 à 70 jours, ce qui est relativement long pour un animal de sa taille, mais cette durée permet aux jeunes de naître plus développés. Une femelle peut donner naissance à une portée de un à quatre petits, bien que les portées de deux jeunes soient les plus courantes.

Les nouveau-nés sont remarquablement précoces, un phénomène connu sous le nom de nidifuge. Ils naissent avec leurs yeux ouverts, leur corps entièrement recouvert de poils, et sont capables de courir et de manger de la nourriture solide seulement quelques jours après leur naissance. Cela réduit leur période de vulnérabilité et augmente leurs chances de survie face aux prédateurs. Les jeunes sont sevrés après environ trois semaines, mais ils restent souvent avec leur mère et le groupe familial pendant une période plus longue. Les femelles atteignent leur maturité sexuelle vers l'âge de deux à trois mois, et les mâles un peu plus tard.


Cobaye de montagne femelle et juvenile
Cobaye de montagne femelle et ses petits
© José Tomás Urrea - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

COMPORTEMENT

Le comportement social du cobaye de montagne est un aspect clé de sa survie dans les Andes. Ces rongeurs sont des animaux sociaux qui vivent en petites colonies familiales, souvent composées d'un mâle, de plusieurs femelles, et de leurs descendants. Au sein de ces groupes, il existe une hiérarchie claire, avec un mâle dominant qui joue un rôle de protection. Les colonies utilisent un système de terriers et de fissures rocheuses complexes pour s'abriter et se protéger des prédateurs et des intempéries. Le marquage territorial est une pratique courante, les cobayes utilisant des sécrétions glandulaires pour délimiter leur territoire et communiquer avec les autres membres du groupe. La communication est également verbale, les cobayes émettant une variété de cris et de sifflements pour signaler le danger, attirer un partenaire ou maintenir la cohésion du groupe.

Leur activité est principalement crépusculaire, avec des pics d'activité à l'aube et au crépuscule, ce qui leur permet de se nourrir lorsque les températures sont plus clémentes et que les prédateurs diurnes sont moins actifs. Le comportement de recherche de nourriture est opportuniste, les cobayes se déplaçant sur de courtes distances pour brouter la végétation disponible. Lorsqu'un danger est détecté, un individu émet un cri d'alarme qui incite les autres membres du groupe à se précipiter vers un abri. Leur comportement de fuite est rapide et agile, leur permettant de disparaître rapidement dans les rochers ou les terriers. Ce comportement social et cette vigilance collective sont essentiels pour la survie de l'espèce.


Cobaye de montagne en Argentine
Cobaye de montagne photographié en Argentine
© Christian Artuso - iNaturalist
CC-BY-NC-ND (Certains droits réservés)

PRÉDATION

Le cobaye de montagne est une proie pour de nombreux prédateurs dans son habitat andin, ce qui a façonné son comportement de vigilance et son mode de vie en colonie. Parmi ses principaux ennemis, on trouve des mammifères carnivores comme le renard de Magellan (Lycalopex culpaeus), le chat des Andes (Leopardus jacobita) et d'autres petits félins sauvages.

Les rapaces sont également une menace significative, en particulier le caracara montagnard (Phalcoboenus megalopterus). Le puma (Puma concolor) est un prédateur moins fréquent mais qui peut s'attaquer aux colonies si l'occasion se présente.

La principale stratégie de défense du cobaye de montagne est sa vigilance collective et son recours immédiat à des abris. En vivant en groupe, la détection d'un prédateur est plus rapide et l'alerte est partagée, permettant à la colonie de se réfugier dans des terriers ou des fissures rocheuses. Leur couleur de pelage, qui se fond dans leur environnement, est également une forme de protection passive contre la détection. La capacité de reproduction rapide et la naissance de jeunes précoces sont aussi des adaptations qui aident l'espèce à maintenir ses populations malgré la pression de prédation constante.


Cobaye de montagne 01
Cobaye de montagne photographié au Pérou
© Sam R - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

MENACES ET CONSERVATION

À l'heure actuelle, aucune menace majeure ne semble peser sur le cobaye de montagne. L'espèce n'est pas considérée comme une menacée. Elle est inscrite dans la catégorie Préoccupation mineure (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN. En fait la classification de ce rongeur se justifie en raison de sa large distribution, de sa grande population présumée, et parce qu'il est peu probable d'être en déclin à un taux permettant de le classer comme espèce menacée.

Le cobaye de montagne a été observé dans au moins douze aires protégées au Pérou et il est présent dans au moins deux aires protégées en Bolivie. Aucune mesure de conservation n'est recommandée par l'IUCN.


Montane guinea pig (Cavia tschudii)
Montane guinea pig (Cavia tschudii)
© Josh Vandermeulen - iNaturalist
CC-BY-NC-ND (Certains droits réservés)

TAXONOMIE

L’histoire taxonomique du cobaye de montagne est un exemple des défis posés par la classification des rongeur sud-américains. Bien que Johann Jakob von Tschudi, un naturaliste suisse, ait été l’un des premiers à étudier les cobayes sauvages des Andes au milieu du XIXe siècle, c’est Léopold Fitzinger, un zoologiste autrichien, qui a formellement décrit l’espèce en 1867. Fitzinger a nommé cette espèce en l’honneur de von Tschudi, reconnaissant ainsi ses contributions majeures à l’exploration de la faune andine. Cette attribution reflète une pratique courante en taxonomie, où les espèces sont souvent nommées en hommage à des explorateurs ou des scientifiques ayant joué un rôle clé dans leur découverte.

Initialement, Cavia tschudii a été classée parmi les nombreuses espèces de cobayes sauvages, souvent confondue avec Cavia porcellus (le cobaye domestique) ou Cavia aperea (le cobaye du Brésil), en raison de similitudes morphologiques. Les premières descriptions se basaient principalement sur des critères physiques, tels que la taille, la couleur du pelage et la structure du crâne. Cependant, ces caractéristiques présentaient des variations importantes selon les populations, rendant la classification complexe et sujette à révision.

Au XXe siècle, les progrès en génétique moléculaire ont permis de clarifier les relations phylogénétiques au sein du genre Cavia. Des études ADN ont révélé que Cavia tschudii formait un clade distinct, génétiquement plus proche des autres cobayes sauvages que des formes domestiquées. Ces analyses ont également mis en évidence une diversification génétique entre les populations andines, suggérant une adaptation locale aux conditions environnementales spécifiques, comme l’altitude et le climat.

La question des sous-espèces chez le cobaye de montagne est un sujet de débat parmi les taxonomistes. Plusieurs sous-espèces ont été proposées au fil des années, principalement sur la base de différences morphologiques et géographiques. Parmi les plus souvent citées, on trouve :

- Cavia tschudii tschudii : La sous-espèce nominale, décrite initialement par Fitzinger, est répandue dans les hautes altitudes des Andes centrales, notamment au Pérou et en Bolivie. Elle se caractérise par un pelage généralement brun-grisâtre et une taille légèrement plus grande que les autres variétés.

- Cavia tschudii osgoodi : Identifiée dans les régions plus méridionales, comme le nord de l’Argentine, cette sous-espèce présente des variations dans la couleur du pelage, souvent plus clair, et des différences mineures dans la structure cranienne.

Cependant, la validité de ces sous-espèces est remise en question par des études génétiques récentes. Ces recherches suggèrent que les différences observées pourraient être le résultat de variations clinales — des changements progressifs de caractéristiques morphologiques en fonction de l’altitude ou de la latitude — plutôt que de divergences évolutives marquées. En d’autres termes, les populations de Cavia tschudii pourraient former un continuum génétique et morphologique, sans barrières reproductives claires entre elles. Cette hypothèse est étayée par le fait que les cobayes de montagne de différentes régions peuvent se reproduire entre eux en captivité, produisant une descendance fertile. Ainsi, certains chercheurs proposent de regrouper ces variétés sous une seule espèce, sans distinction de sous-espèce.

Néanmoins, l’étude de ces variations reste cruciale pour comprendre la diversité génétique et écologique du cobaye de montagne. Une approche intégrée, combinant génétique, morphométrie et écologie, sera nécessaire pour trancher définitivement cette question et affiner la classification de ce rongeur andin. Cela pourrait également avoir des implications pour sa conservation, certaines populations locales pouvant être plus vulnérables aux changements environnementaux.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communCobaye de montagne
English nameMontane guinea pig
Español nombreConejillo de indias de montaña
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreRodentia
Sous-ordreHystricomorpha
FamilleCaviidae
Sous-familleCaviinae
GenreCavia
Nom binominalCavia tschudii
Décrit parLeopold Fitzinger
Date1857



Satut IUCN

Préoccupation mineure (LC)

SOURCES

* Liens internes

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

National Center for Biotechnology Information (NCBI)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wikipédia

* Liens externes

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

* Bibliographie

Fitzinger, L. J. (1867). "Revision der von J. J. v. Tschudi beschriebenen peruanischen Nagethiere." Sitzungsberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. Mathematisch-Naturwissenschaftliche Classe, 55: 457–514.

Rowe, D. L., et Honeycutt, R. L. (2002). "Phylogenetic Relationships, Ecological Correlates, and Speciation in the South American Rodent Genus Cavia." Molecular Ecology, 11(10): 2153-2162.

Spotorno, A. E. et al. (2004). "Chromosome Number and Karyotype Evolution in the South American Genus Cavia (Rodentia, Caviidae)." Journal of Mammalogy, 85(1): 112-118.

Ellerman, J.R. (1940). "The Families and Genera of Living Rodents." British Museum (Natural History), Londres.

Cabrera, A. (1961). "Catálogo de los mamíferos de América del Sur." Revista del Museo Argentino de Ciencias Naturales "Bernardino Rivadavia", Buenos Aires.

Pearson, O.P. (1948). "The Distribution and Ecology of the Mammals of the Andes of Northern Peru."Ecology, 29(4), 429-452.

Siber, M., & Spotorno, A.E. (2017). "Adaptations to High Altitude in Andean Rodents: A Review." Journal of High Altitude Medicine & Biology, 18(2), 105-118.