L'antilope saïga (Saiga tatarica) est un bovidé emblématique des steppes eurasiennes. Reconnaissable à son museau inhabituel, cette antilope est considérée comme une relique de l'ère glaciaire. L'antilope saïga est l'unique membre du genre Saiga. Deux sous-espèces : Saiga tatarica tatarica (à laquelle appartiennent la population européenne et la majorité de la population mondiale) et Saiga tatarica mongolica, endémique de l'ouest de la Mongolie.
L'antilope saïga est un ongulé mesurant entre 1,08 et 1,46 m de long, de 60 à 80 cm de haut pour un poids allant de 21 à 51 kg. La queue mesure entre 6 et 13 cm de long. Seuls les mâles sont pourvus de cornes. Celles-ci sont relativement droites en vue latérale et dessinent un léger S en vue frontale. Elles sont annelées et mesurent environ 30 cm.
La caractéristique la plus frappante de l'antilope saïga est sa grosse tête avec un énorme nez mobile qui lui donne l'aspect d'une trompe. Ce nez possède la particularité de pouvoir filtrer la poussière en été, et d’adoucir l’air froid inspiré en hiver.
En été, le pelage court est de couleur rouge jaunâtre sur le dos et le cou et la partie ventrale est plus claire. En hiver, le manteau devient plus épais et arbore une couleur grise terne sur le dos et le cou, et une brun-gris très clair sur le ventre.
L'antilope saïga habitait autrefois les steppes et les régions semi-désertiques du sud-est de l'Europe, à travers l'Asie centrale jusqu'en Mongolie et au nord-ouest de la Chine, mais son aire de répartition d'origine a été considérablement réduite. De nos jours, il existe cinq principales : une en Russie (nord-ouest de la mer Caspienne), trois principalement au Kazakhstan (Oural, Oustiourt, Betpak-dala) et une en Mongolie. La principale population russe se trouve dans les steppes au nord-ouest de la mer Caspienne en Kalmoukie et dans les parties adjacentes de la région d'Astrakhan. Les trois populations du Kazakhstan sont situées dans l'Oural au nord-ouest (qui est partiellement transfrontalier avec la Russie), Betpak-dala au centre du Kazakhstan et Oustyurt au sud. Les animaux de la population d'Oustyurt migrent vers le sud en hiver en Ouzbékistan, atteignant certaines années le Turkménistan et revenant au printemps. Ces déplacements transfrontaliers ont diminué en aire et en fréquence et aucun saïga n'a été observé au Turkménistan depuis plusieurs années. Le nombre d'individus atteignant l'Ouzbékistan a également diminué, encore limité par la construction d'une clôture frontalière. Il existe une petite population isolée à l'est de la population principale de Betpak-dala, dans la région de Semipalatinsk.
La sous-espèce nominale était autrefois présente dans le Gobi dzoungarien, à l'extrême sud-ouest de la Mongolie, et on suppose qu'elle constituait une population transfrontalière avec la Chine, mais elle a disparu dans les années 1960. La sous-espèce mongole est présente dans l'ouest de la Mongolie, au nord des montagnes de l'Altaï, qui séparent son aire de répartition des sous-populations nominales. Le saïga de Mongolie était autrefois présent dans tout le bassin des Grands Lacs, depuis le coin nord-ouest, vers l'est jusqu'à environ 101°E, mais son aire de répartition et ses effectifs ont été considérablement réduits. Dans les années 1980, l'aire de répartition était petite et centrée sur le Gobi de Shargiin et le Gobi de Khuisiin, avec une petite population satellite dans le soum (district) de Mankhan. L'aire de répartition s'est étendue au cours des années 1990-2000 en raison de conditions climatiques favorables et l'antilope saïga occupe désormais le Dorgon Tal et le Khomiin Tal (à l'est de Khar Nuur) et s'est déplacé vers le nord dans l'aimag (province) d'Uvs. La zone de distribution dans les districts de Khaliun et Sharga s'est également élargie. La sous-population de Mankhan a également étendu son aire de répartition, mais reste isolée des populations principales. Les saïgas sont toujours absents de la partie orientale de leur aire de répartition historique dans la vallée des Lacs (Biger Nuur, Boon Tsagaan Nuur, Orog Nuur).
L'antilope saiga est un herbivore opportuniste qui se nourrit principalement de graminées, d'herbes et de plantes basses. Elle est capable de consommer des espèces de végétaux toxiques pour d'autres animaux, ce qui lui confère un avantage adaptatif dans son environnement austère. Pendant les mois d'été, lorsque la végétation est abondante, elle ingère des plantes riches en nutriments pour constituer des réserves énergétiques en vue de l'hiver. En hiver, elle doit faire face à des conditions extrêmes. Elle utilise son museau pour déterrer de la nourriture sous la neige, se nourrissant principalement d'herbes sèches et de lichens. Son régime alimentaire varié lui permet de survivre dans des habitats aux ressources limitées.
La saison de reproduction de l'antilope saiga se déroule entre novembre et janvier. Les mâles deviennent extrêmement territoriaux et s'affrontent violemment pour l'accès aux femelles. Ces combats, bien que rarement mortels, peuvent affaiblir considérablement les mâles dominants, qui peuvent ensuite succomber au stress ou aux infections.
Les femelles donnent naissance à un ou deux petits après une gestation d'environ cinq mois. Les naissances ont lieu en mai ou juin, lorsque les conditions environnementales sont les plus favorables. Les nouveau-nés sont précoces et peuvent se lever et marcher quelques heures après leur naissance. Pendant les premiers jours, les mères cachent leurs petits dans la végétation pour les protéger des prédateurs. Les jeunes commencent à manger de la nourriture solide au bout de 4 ou 8 jours, mais continuent de téter leur mère jusqu'à 4 mois. Les femelles atteignent leur maturité sexuelle au bout de 8 mois, tandis que les mâles ne sont aptes à se reproduire que vers 20 mois.
Les antilopes saïgas sont des animauxgrégaires qui forment de grands troupeaux, parfois composés de plusieurs milliers d'individus. Ces troupeaux migrent sur de longues distances pour trouver des zones de pâturage et éviter les conditions climatiques extrêmes. La migration est essentielle à leur survie, mais elle les expose à des menaces telles que la fragmentation de l'habitat et les infrastructures humaines comme les routes et les pipelines.
Durant la saison de reproduction, les antilopes saïgas forment avec d'autres congénères des groupes composés de 5 à 10 femelles et un mâle. Lorsque la saison de reproduction est terminée, les troupeaux grandissent avec 30 à 40 individus. Ces troupeaux se déplacent sur de grandes distances en migrant vers le nord en été, puis vers le sud en hiver, et sont capables de franchir des rivières turbulentes, mais évitent les zones escarpées.
L'antilope saiga est une espèce diurne, active principalement le matin et en fin d'après-midi. Elle est dotée d'un excellent sens de la vue et de l'ouïe, ce qui lui permet de détecter les prédateurs à distance.
Dans les steppes arides d'Asie Centrale où cette antilope survit encore son principal prédateur naturel est le loup, capable de tuer une antilope saïga adulte. Néanmoins, cette petite antilope fait partie des plus rapides, pouvant courir à 40 km/h en endurance sur plusieurs kilomètres et accélérer à 80 km/h en vitesse moyenne sur 800 mètres avec des pointes à plus de 100 km/h sur de très courtes distances. En conséquence, seuls les individus jeunes, âgés, blessés, malades, parasités, ou les femelles en fin de gestation deviennent les proies de prédilection du loup. Ce canidé régule et entretient les populations en jouant un rôle sanitaire important.
En plus de la prédation naturelle, les menaces les plus graves pesant sur les antilopes saigas sont d'origine anthropique. Les cornes des mâles sont très recherchées dans la médecine traditionnelle asiatique, ce qui a entraîné une chasse excessive. Les femelles et les jeunes, bien que non prisés pour leurs cornes, sont souvent tués par inadvertance lors des campagnes de braconnage. L'expansion de l'agriculture, la construction de routes, de pipelines et d'autres infrastructures humaines perturbent les routes migratoires essentielles des saigas. Cette fragmentation réduit leur accès aux zones de pâturage et augmente leur vulnérabilité face aux prédateurs. Les hivers plus rigoureux, les sécheresses prolongées et les tempêtes de poussière affectent les populations de saigas en diminuant la disponibilité de nourriture et en augmentant leur taux de mortalité. Des maladies telles que la peste des petits ruminants et des infections bactériennes ont décimé des populations entières en très peu de temps. Par exemple, en 2015, une épidémie de pasteurellose a tué près de 200 000 individus, soit environ 60 % de la population mondiale. Avec des populations en déclin rapide, la diversité génétique des saigas diminue, les rendant plus vulnérables aux maladies et moins adaptables aux changements environnementaux.
L'antilope saïga est considérée comme étant une espèce relativement menacée. Elle est inscrite dans la catégorie Quasi menacé (NT) sur la Liste rouge de l'IUCN et en Annexe II de la CITES.
Des lois protégeant le saïga existent au niveau national, mais l'application de ces lois doit être efficacement appliquée et devient réellement nécessaire. Certaines aires protégées existent dans son aire de répartition, mais la distance entre les plages d'été et d'hiver des différentes populations entrave une couverture complète de la zone protégée. La création d'extensions des zones existantes ainsi que des nouvelles sont en cours de discussion par le gouvernement de la Fédération de Russie. Une interdiction sur l'utilisation de la viande, la vente des cornes du saïga ainsi que sa suppression temporaire de la liste des animaux chassables ont été proposées comme principales mesures de conservation.
Milner-Gulland, E. J., et al. (2001). Conservation status and future of the saiga antelope (Saiga tatarica): Approaches and prospects." Biological Conservation.
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